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reptiles, ont dû offrir avec les pays actuels qu’égaient les mammifères et les oiseaux. C’était par une brûlante journée de juin ; le ciel était éclatant de lumière, je pensais que les reptiles seraient dans l’état le plus favorable. Mais rien ne put les tirer de leur langueur ; il fallut les violenter pour les faire sortir de leurs couvertures ; quand on leur donnait quelque proie, ils s’élançaient sur elle ; autrement, ils ne bougeaient pas. Tout ce monde était morne, silencieux ; ces êtres traînent leur vie ainsi qu’ils traînent leur corps rampant. Quand nous fûmes sortis de la ménagerie des reptiles, nous retrouvâmes les oiseaux qui sautillaient et chantaient comme pour célébrer le bleu du ciel ; les singes se jouaient entre eux, les antilopes bondissaient, joyeuses, ou fixaient sur nous leurs jolis yeux. Et nous disions merci à Dieu de ne pas nous avoir fait naître à l’époque des dinosauriens, car ces étranges et gigantesques créatures devaient inspirer non seulement la peur, mais aussi l’ennui. En vérité nous sommes arrivés sur terre dans le bon temps ; la nature présente nous sourit, et la nature à venir sera peut-être encore meilleure !

Les mammifères ont des cerveaux incomparablement plus grands et plus parfaits que tous les autres animaux. Leurs progrès se sont produits peu à peu. M. Cope a clairement établi que les premiers mammifères tertiaires d’Amérique ont eu leur cerveau beaucoup moins développé que leurs successeurs. Ainsi le Periptychus, genre du Puerco, c’est-à-dire du plus ancien terrain tertiaire, avait des lobes olfactifs énormes, des hémisphères cérébraux petits et lisses, des lobes optiques à découvert ; le Phenacodus et le Coryphodon avaient aussi un cerveau peu perfectionné. Grâce au docteur Lemoine, nous connaissons les encéphales de quelques-uns des plus anciens mammifères tertiaires de l’Europe ; leurs lobes olfactifs sont assez grands ; les hémisphères cérébraux, bien que surpassant beaucoup ceux des reptiles, sont encore assez petits et simples ; les lobes optiques, larges et à découvert, rappellent les reptiles ; mais le cervelet est plus grand et la moelle allongée est proportionnellement plus petite. Ainsi l’encéphale des mammifères a commencé par être supérieur à celui des reptiles secondaires, inférieur à celui des mammifères actuels.

Plus tard ont paru les fameux dinocératidés dont les caractères ont été si bien mis en lumière par le magnifique ouvrage de M. Marsh. Ces grands mammifères avaient encore un cerveau petit, comparativement à ceux de l’époque actuelle. Cuvier a décrit une tête d’Anoplotherium, brisée de manière à montrer son encéphale : Un hasard heureux, dit-il, ma procuré quelque