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Dimanche soir, 1857.

Madame,

Votre lettre, qui s’est croisée avec la mienne, m’a fait penser à une chanson que ma mère me chantait quand j’étais petit. Il s’agit d’un Suisse qui vient demander au roi sa grâce, et qui s’accuse d’avoir fait tomber le chapeau de son sergent :


Le roi lui dit : Suisse,
Retourne à ton exercice. —
Le Suisse dit entre ses dents :
Sire, son tête était dedans.


Je croyais n’avoir affaire qu’à un ministre et vous m’en suscitez deux. Malheureusement je ne connais pas M. Billault et je n’ai jamais mis les pieds chez lui, et ne saurais prendre sur moi de le faire. Tout ce qui m’est possible, c’est d’aller chez le chef de son cabinet, que j’ai rencontré chez M. Fould, et de lui conter l’affaire. A vous dire le vrai, elle ne me paraît pas trop bonne. Le préfet a été un peu vite en besogne. Il a préjugé deux décisions. Le ministre des Cultes ne peut (le peut-il ?) donner que le tiers de la somme votée par la commune.

D’autre part, le ministre de l’Intérieur ne peut autoriser une commune à s’imposer une contribution qui ne peut avoir le résultat qu’elle en attend, et si, en effet, l’église doit coûter 44 000 francs et que le ministre de l’Instruction publique n’en veuille et n’en puisse donner que 8 000, le ministre de l’Intérieur doit conclure très judicieusement que pour arriver à n’avoir pas une église, il serait souverainement mauvais d’autoriser la commune à s’imposer 25 000 francs. Tout le mal de l’affaire, je le crains, est dans le mystère que vous avez fait de votre générosité et des 10 000 francs qui complètent le devis de M. Guérin. Si vous aviez dit les choses tout d’abord, peut-être aurait-on réussi. Maintenant cela me paraît fort problématique.

Voici mon avis :

1° Obtenir du préfet une lettre qui rappelle l’autorisation qu’il a donnée, ou avoir une copie de cette autorisation ;

2° Le devis rectifié de M. Guérin ;

3° Une nouvelle demande du maire et du Conseil municipal pour l’église ;

4° Un mot de vous, ostensible, où vous diriez vos intentions de contribuer à l’achèvement de l’église, l’autorisation de l’Intérieur étant accordée et la subvention des Cultes.

Muni de toutes ces pièces, j’irai chez le chef du cabinet de M. Billault, et je tâcherai de le fléchir ; mais, je le répète, l’affaire