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de Saati. Enfin, le 20 février 1889, il prit définitivement parti contre son suzerain, déclara qu’il entendait s’ouvrir la route de l’Aoussa vers la mer, et prit position sur le Nil-Bleu, à la frontière des États du négus.

Le malheureux Johannès se trouva donc avoir affaire à trois adversaires à la fois : aux Italiens à l’est, à Ménélik au sud, aux madhistes au nord et à l’ouest, et se vit enveloppé sur toutes ses frontières. Il se tourna d’abord contre Ménélik. Aussitôt les derviches envahirent ses États et entrèrent à Gondar, sa capitale. Courant au plus pressé, le négus fit volte-face, et ce fut alors qu’il engagea avec les madhistes cette sanglante bataille de Métamneh où il trouva la mort.

Le moment attendu par Ménélik et les Italiens était venu. Le 2 mai 1889, six semaines seulement après la mort de Johannès, au camp d’Ucciali, un traité cimenta l’alliance du roi de Choa et de l’Italie. Ménélik II se faisait proclamer négus, au mépris des dernières volontés de Johannès. Reconnu en cette qualité par l’abouna, le chef du clergé d’Ethiopie, il recevait la soumission de la plupart des chefs abyssins et obligeait Mangascia, l’héritier désigné de Johannès, à se réfugier dans le Tigré. En même temps, les Italiens, sous prétexte d’aider Ménélik, franchissaient la plaine sise au bas du plateau abyssin et pénétraient dans le Tigré. Le 2 juin 1889. ils entraient sans coup férir à Kéren. Deux mois après, ils occupaient dans les mêmes conditions Asmara, et faisaient fuir devant eux le ras Aloula, lieutenant de Mangascia, jusqu’à la rivière Belessa. Ils voulurent alors se donner la satisfaction d’entrer dans la capitale du Tigré, et le 26 janvier 1890, trois ans jour pour jour après le désastre de Dogali, ils occupèrent Adoua. Pris entre les troupes du Choa et les troupes italiennes, Mangascia se soumit à Ménélik, le reconnut comme négus, et accepta de lui la vice-royauté du Tigré.

Alors la diplomatie italienne put se réjouir des résultats que sa politique avait obtenus. Ménélik II était reconnu roi des rois, négus d’Ethiopie. D’autre part, les Italiens avaient pu enfin aborder le plateau abyssin et occuper Asmara et Kéren. Ils étaient liés au nouveau négus par un traité qui paraissait alors avoir été conclu à l’entière satisfaction des deux parties contractantes. Même, pour donner plus d’éclat à l’acte qui cimentait l’alliance italo-éthiopienne, Ménélik avait envoyé en Italie une mission de vingt personnes dirigée par son cousin, le dejiac Makonnen, et chargée de demander au roi d’Italie la ratification du traité du 2 mai 1889. Débarquée à Naples le 22 août en compagnie du comte Antonelli, la mission fut reçue avec tout le cérémonial