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doivent coexister les corps électoraux et les circonscriptions électorales ; ceux-là, pour que les organismes sociaux (ou collectifs) aient dans l’État la représentation qui leur est due, et celles-ci, pour que les individus, eux aussi, aient la leur. »

Quoi de plus ? et cet Espagnol ne serait-il pas assez Latin ? C’est alors à un Italien, Diomede Pantaleoni, que nous voulons en appeler. Il écrivait : « Je ne vois qu’un moyen de sauver les démocraties modernes : c’est d’attribuer un pouvoir prédominant à un sénat qui renfermerait les hommes « représentatifs » des forces sociales : l’agriculture, l’industrie, le commerce, la science surtout sous toutes ses formes. » De cette phrase, la dernière partie au moins est à retenir ; elle contient l’essence de la pensée et ce sera, après coup, une question secondaire, de savoir si c’est le Sénat seulement ou la Chambre des députés ou, les deux ensemble qu’il serait bon de soumettre à ce régime électoral. Mais voici des Belges, — presque des Français : — M. Hector Denis, M. Guillaume de Greef, M. Adolphe Prins qui a consacré à ce sujet plusieurs livres, — tous importans ; — j’omets M. de Laveleye qui a fait la préface d’un de ces livres.

Exige-t-on davantage ? et peut-être faut-il que, pour avoir droit à notre attention en ces matières, on soit Français depuis trois générations ? Mais que de bons Français n’en jugent pas différemment du régime représentatif, depuis Montesquieu, il y a cent cinquante ans, jusqu’à des contemporains, il y a six mois ! Et notez que les théoriciens dont on a constaté l’accord viennent non seulement de tous les pays : Allemands, Anglais, Espagnols, Italiens, Belges, Français ; mais de tous les points de l’horizon intellectuel : philosophes, juristes, historiens, sociologues ou sociologistes, — lequel est le moins barbare ? — médecins même, car Pantaleoni l’était : médecin philosophe, il est vrai, mais muni du diplôme ! nous revendiquons pour lui cet honneur, non qu’il en retire plus de crédit à nos yeux, mais dans l’espoir qu’il pourra trouver grâce auprès de la centaine de médecins que nous avons dans nos Chambres. Notez, par surcroît, que ces théoriciens viennent de tous les partis, comme de tous les pays et de toutes les facultés ; qu’il y a parmi eux des conservateurs, absolutistes ou constitutionnels, des libéraux, des radicaux, des socialistes même.

Tenant à ne faire déposer, en ce débat, que des théoriciens contrôlés, on a passé volontairement sous silence l’avis des publicistes qui ne seraient que des journalistes et des politiques qui ne seraient que des politiciens. Mais quand il se rencontre des hommes d’État, dignes d’un si beau titre, pour qui ni la théorie