Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 134.djvu/621

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

unité sociale où l’individu s’absorbe et s’abîme, mais jusqu’au groupe, lieu social de l’individu. — Nous ne voulons, en effet, ni de la corporation, ni de l’ordre, ni d’aucun groupe fermé ou imposé. Et non seulement nous ne demandons pas qu’on y retourne, mais très résolument, pour nous, nous refuserions d’y retourner. Nous ne voulons que du groupe ouvert et libre, lieu et milieu social, et, par rapport au suffrage, simple circonscription sociale ajoutée à la circonscription géographique, sans que, d’être de tel ou tel groupe ou de voter dans telle ou telle circonscription sociale entraîne jamais rupture d’égalité ni différence dans le droit. — Ouvert et libre, nous voulons le groupe, et nous ne le voulons pas fixé, arrêté une fois pour toutes : nous le voulons en vie et en mouvement comme la société elle-même.

La besogne à faire est une besogne d’action, non point de réaction. Hier est mort et aujourd’hui meurt ; ne nous attardons pas à restaurer hier ni à prolonger aujourd’hui. Mais demain vit déjà en nous, et, si la politique est une science et un art de vie, la politique de demain est la seule qui vaille la peine qu’on s’en occupe. Près d’elle et du problème qu’elle pose, — ce problème étant de savoir si l’État moderne sera enfin construit et si nous sortirons de l’anarchie dont les manifestations se succèdent et se précipitent, — qu’est-ce que les vaines démarches d’un ministère ? ou le conflit des Chambres ? ou les chicanes juridiques sur le vrai sens de l’article 6 de la Constitution ? Laissons cet aujourd’hui misérable qui meurt, et, de la politiquaille, tâchons de dégager une politique.


CHARLES BENOIST.