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sur des navires japonais, chargemens évalués à 500 000 tonnes, ce qui donne pour un seul port un total d’un million. Le nombre des navires entrés à Moji pour y prendre un chargement ou y faire du charbon a été en 1893 de 350 bâtimens étrangers et de près de 5 600 bâtimens japonais. 5 600 ! J’emprunte ces indications à un autre rapport officiel tout récent (1895) celui du vice-consul de France à Kobé, le port rival, et rival heureux, du port de Yokohama.

La baisse de l’argent, écrit également ce fonctionnaire, a stimulé les exportations du Japon en général, mais pour celles du charbon, elles se sont surtout développées à la faveur « des grèves désastreuses qui ont sévi en Angleterre l’année dernière. » Nous reviendrons sur cette note grave que nous relevons en passant ; ce que nous exposons quant à présent ce sont les faits, et ce qui est certain, ce que nous avons déjà constaté en parlant de Bombay, c’est que le charbon japonais a dépassé non seulement Singapour, mais les Indes, et qu’il s’expédie jusqu’à Aden. Quant aux Indes, sa consommation a atteint 116 000 tonnes et les expériences faites ont été si satisfaisantes qu’on peut s’attendre à voir le charbon japonais, dont la consommation est de 8 pour 100 plus forte que celle du cardiff, mais dont le prix de revient à Bombay est de 50 pour 100 moins cher, faire dorénavant dans les usines indiennes une concurrence sérieuse au charbon d’Angleterre. Le cardiff, écrit M. de Brandt, et, sur ce point encore, l’unanimité des témoignages est complète, est devenu un combustible de luxe et n’est plus acheté au Japon que par la marine de guerre étrangère. Entre les charbons d’Australie, ceux du Tonkin et du Japon, il aura bien de la peine à se conserver une place.

M. Klobukowski écrit de son côté : « Le charbon japonais, grâce à la baisse de l’argent, envahit peu à peu tous les marchés asiatiques et a même pénétré aux Etats-Unis, à Vladivostock, en Australie. » Enfin M. de Brandt encore, — nous multiplions à dessein nos références, pour bien attester ce que nous avons dit au début quant à l’unanimité de tous les représentans de l’Europe en face des signes manifestes du péril qui nous menace, — M. de Brandt cite à l’appui de son opinion personnelle une déclaration de l’Institut colonial britannique, d’après laquelle plusieurs grandes compagnies de navigation auraient fait avec le Japon des contrats pour leurs approvisionnemens de charbon, et se feraient livrer par centaines de milliers de tonnes, à Singapour, le charbon japonais à 5 dollars et demi la tonne, c’est-à-dire 12 à 15 francs, tandis qu’elles payaient 25 francs celui qu’elles faisaient venir auparavant d’Angleterre.