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hebdomadaires ou mensuels ayant pris presque tous à leur charge la rétribution minime que l’administration réclame pour ce service.

Des caisses d’épargne s’étaient créées en Angleterre comme en France dès les premières années du siècle. Mais tandis qu’en France la loi intervint de bonne heure pour assujettir les administrateurs de ces établissemens à des règles tutélaires, les Anglais eurent confiance, suivant leur habitude, dans l’initiative privée. Qu’en advint-il ? Des malversations se produisirent ; une enquête parlementaire révéla des abus regrettables, et, sur la proposition de M. Gladstone, une loi institua en 1861 une caisse d’épargne de l’Etat qui fut confiée à l’Administration des postes.

Ce ne fut pas le même sentiment de défiance qui prévalut chez nous, car la gestion des caisses d’épargne y a toujours été régulière, sauf les accidens exceptionnels qui se produisent en tous pays et à toute époque lorsque, dans la masse des comptables de deniers publics, il s’en trouve quelques-uns d’infidèles. Mais on se disait que les caisses existantes (il y en a une à peu près dans chaque arrondissement) étaient trop éloignées du public, que leurs guichets s’ouvraient à de trop longs intervalles (la plupart ne recevaient les dépôts qu’une fois la semaine) ; qu’il faut favoriser l’épargne en lui offrant le moyen de se consolider tous les jours et partout où les petites gens qui économisent se trouvent agglomérés. C’était un vœu si général que le Sénat du second Empire en avait été saisi par des pétitions. Des propositions furent présentées à l’Assemblée constituante de 1871. La question était mûre lorsque M. Cochery fit voter en 1881 une loi instituant une Caisse nationale d’épargne, dont la gestion fut confiée à son administration.

Les institutions nouvelles que le caprice du législateur crée au profit de l’Etat ont plus ou moins de succès : quelques-unes même avortent dès le début ou ne mènent qu’une vie languissante. Lorsque l’une d’elles réussit pleinement, il est bon de le mettre en évidence. C’est ce qui est arrivé pour la Caisse nationale d’épargne ou Caisse d’épargne postale. Alimentée par un budget spécial qui, depuis la seconde année, s’est toujours soldé en bénéfice, elle n’a jamais rien coûté aux contribuables ; elle paie ses dépenses par la différence entre l’intérêt qu’elle sert à ses déposans et le revenu qu’elle retire des placemens de fonds auxquels elle emploie les dépôts qu’on lui confie. En moins de quinze ans, elle est arrivée à grouper deux millions et demi de cliens dont la fortune collective atteint environ 800 millions. C’est peu pour chacun ; mais avec un maximum qui fut d’abord de 2 000 francs et qui est aujourd’hui réduit à 1 500 francs, elle ne peut avoir que