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et jamais l’histoire ne s’achève, car le fragment conservé s’arrête toujours avec le premier couplet :


C’est la jus desoz l’olive,
Robins en maine s’amie ;
La fontaine i sort série
Desoz l’olivete.
En nom Dieu ! Robins en maine
Rele Mariete…


C’est Peronele ou c’est Mauberjon qui se lève matin, s’en va laver à la fontaine : « Dieus ! Dieus ! or demeure — Mauberjon a l’eve trop ! » C’est Emmelot qui veut aller, malgré sa mère, baler au pré. C’est bêle Aëlis qui, au lever du jour,


Rien se para et plus bel se vesti,
Si prist de l’aiguë en un doré bacin,
Lava sa bouche et ses ieus et son vis,
Si s’en entra la bele en un jardin…


Que se passait-il donc en ce jardin ? sur ce pré ? au bord de cette fontaine ? Qu’advenait-il de Mauberjon, d’Emmelot, de Bêle Aëlis, de Bele Mariette ?


III

C’est ainsi qu’on peut se figurer les chansons de maieroles. Or voici que, dans le trésor des poèmes lyriques courtois, nous trouvons deux cents pièces, ou environ, tant provençales que françaises, qu’on peut répartir en trois groupes et définir ainsi : dans les unes, que nous appellerons, faute d’un nom meilleur, les reverdies courtoises, le trouvère décrit une impression printanière ; — d’autres, les chansons à personnages, sont des saynètes où d’ordinaire une « mal mariée » se plaint ironiquement de son mari, le raille, le menace ; — d’autres enfin, de beaucoup les plus nombreuses, les pastourelles, nous transportent au pays de l’idylle, parmi tout un petit peuple de bergers et de bergères qui se querellent, s’apaisent, aiment, vivent en dansant aux chansons.

Il suffit de poser ces définitions et de mettre en regard les chansons de maieroles et ces pièces courtoises (le tout était de trouver l’idée de cette comparaison), pour faire pressentir aussitôt que ceci est sorti de cela.

On l’a vu : c’étaient des chansons de vilains qui animèrent primitivement les danses seigneuriales, et les usages de mai, populaires de leur nature, n’étaient pas restés confinés dans la caste paysanne ; mais, dans les romans de Meraugis et de