Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’amidon, n’ont lieu que si la plante conserve une quantité d’eau notable ; si les radiations d’un soleil implacable frappent un champ de blé dont les racines ne trouvent plus à s’abreuver dans un sol épuisé, la plante sèche, tout s’arrête, la dernière phase de la vie du blé est brusquement interrompue, les grains restent vides, la récolte est manquée.

Une pluie persistante n’est pas moins à craindre : le blé continue à végéter indéfiniment, la migration des principes ne se produit pas ; j’en ai eu il y a une vingtaine d’années, en Angleterre, un exemple bien curieux : je parcourais aux environs de Londres un domaine où la culture était soutenue par des arrosages aux eaux d’égout ; ce domaine était légèrement vallonné, et l’eau d’égout franchissait les dépressions dans des rigoles soutenues à quelques mètres par des supports de bois ; une des rigoles en mauvais état laissait constamment tomber une pluie fine d’eau d’égout sur quelques mètres carrés d’un champ de blé ; on était en juillet, et tandis que tout le champ, bien jaune, était bon à moissonner, les pieds arrosés restés complètement verts, continuaient à croître, ils dépassaient par leur taille tous leurs voisins et ne donnaient aucun signe de maturité. Une température douce, un ciel un peu voilé, sont les conditions favorables à une bonne maturation ; quand la terre a été bien travaillée, les semis réguliers, les engrais judicieusement distribués, tous les individus qui composent le champ ont évolué ensemble, tous ont parcouru simultanément toutes les phases de leur développement, et aux heures chaudes de la journée, où tout est immobile, la surface du champ paraît horizontale comme une table, disent les Anglais.

Il n’y a pas de grands inconvéniens à moissonner un peu tôt. La maturation, si elle n’est pas tout à fait complète, se termine très bien quand les gerbes dressées les unes contre les autres forment ces moyettes, très en usage dans les régions où surviennent des pluies intempestives, qui, mouillant le blé encore étendu à terre, déterminent sa germination et diminuent considérablement sa qualité. En revanche, il y a grand avantage à ne pas laisser le blé sur pied après maturité. Toute plante qui a mûri sa graine tend à la répandre, et parfois cette graine porte de puissans organes de dissémination. Il n’en est pas ainsi pour le blé, mais s’il ne s’envole pas au loin, il s’échappe des épillets trop mûrs, tombe et est perdu : en outre tous les organes des végétaux respirent, en brûlant à l’aide de l’oxygène de l’air, quelques-uns de leurs principes ; dans le grain, la combustion porte particulièrement sur l’amidon, et une récolte qui reste longtemps sur pied, diminue de poids aussi bien par perte des grains qui tombent que par la