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appelée par une assemblée constituante à se prononcer sur la forme de son gouvernement. »

C’était, jusque dans les termes, le projet de M. Thiers. Celui-ci, le matin, avait, pour ménager les scrupules de la majorité, consenti à remplacer les mots : « Vu la vacance du pouvoir » par les mots : « Vu les circonstances. » Mais les circonstances avaient si évidemment amené la vacance du pouvoir, que d’elle-même la commission rétablissait le texte primitif. Quelques amis de l’Empire contestèrent encore cette formule. M. Dréolle fut encore là pour répondre que, trois heures auparavant, il l’aurait aussi repoussée, mais qu’elle était devenue l’expression exacte des faits. Son renom d’attachement à la dynastie décida ceux qui avaient besoin d’un exemple pour abandonner l’Empire. La motion fut adoptée par un vote presque unanime.

Ce vote fournissait la matière de la négociation souhaitée. On décida que, pour le faire connaître, une délégation serait envoyée à l’Hôtel de Ville. Grévy fut, par un assentiment unanime, chargé de la conduire. Sa présence et les blâmes sévères qu’il avait fait entendre contre l’invasion de la Chambre, désignaient ce républicain à la confiance du Corps législatif, en même temps que l’ancienneté de sa foi démocratique devait assurer un bon accueil à l’ambassadeur. Jules Simon aurait eu les mêmes titres, mais au cours de la séance lui était parvenu un billet où Jules Favre le priait de ne pas enlever, par une plus longue abstention, des chances à la sagesse du nouveau régime, et, annonçant l’entrée de Rochefort au gouvernement, montrait l’urgence de faire contrepoids à cette force : et Jules Simon s’était rendu à cet appel. On nomma Garnier-Pagès qui s’était offert à faciliter à la délégation l’entrée dans l’Hôtel de Ville, Martel, De Guiraud, Johnston, Cochery, Barthélémy Saint-Hilaire et Dréolle ; presque tous, sauf le dernier, appartenaient au centre gauche ou à la gauche. Grévy se défendit d’abord d’accepter par cette raison que, républicain et à ce titre adversaire de l’illégalité, « il s’était promis de ne pas paraître à l’Hôtel de Ville », puis il consentit à donner par son concours plus d’efficacité à une démarche qu’il approuvait. Elle devait répondre d’ailleurs aux désirs des collègues portés au pouvoir par l’émeute, « car, ajouta-t-il, en toutes circonstances, en face des éventualités de l’avenir, ils ont toujours manifesté la conviction que rien ne pouvait se faire sans le concours de la Chambre. » Il exprima seulement la crainte que, malgré le rôle conciliateur de M. Dréolle dans cette séance, la présence de ce délégué rendît l’entente plus difficile, et M. Dréolle déclara qu’honoré par cette défiance il ne tenait pas à se joindre à la