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d’ailleurs convaincus que la forme, débarrassée de toute règle autre que le sens intime d’harmonie qui doit guider le poète, pourra devenir ainsi plus belle encore et plus vivante qu’elle ne l’a jamais été, parce qu’elle pourra se lier et se fondre plus complètement avec le sentiment même dont elle est chargée de donner l’impression, et qu’ « elle acquerra ainsi la beauté de la vie, au lieu de se contenter de la beauté du marbre. » Quoi qu’il en soit, cette tendance à libérer la forme de toute entrave, à se débarrasser de tout culte étroit pour « l’extériorité » dans la poésie, ne peut que confirmer ce que je disais plus haut, lorsque je constatais en général, dans la nouvelle poésie allemande, un retour à plus de vie intime, à une inspiration personnelle, à un don plus spontané de l’être tout entier.

Cette étude, quoique déjà longue, l’eût été bien davantage si j’avais voulu faire entrer ici les noms de tous les nouveaux poètes qui se reconnaissent à eux-mêmes — et qui s’accordent même volontiers les uns aux autres — un talent digne d’être admiré de tous. M. Bierbaum dirige depuis quelques années, à Munich, la publication d’un Moderne Almanach des Muses, qui donne tous les ans l’hospitalité à bien des poètes dont je n’ai pu parler. M. Bierbaum y reçoit ces poètes un peu pêle-mêle ; et l’accueil, pour y être facile, n’en devient vite que plus arbitraire. On pourra me faire le reproche opposé, et trouver que j’ai écarté, un peu arbitrairement aussi, des noms que rien ne m’empêchait de considérer comme tout aussi dignes d’être choisis en exemples que peuvent l’être ceux auxquels je me suis arrêté. Mais choisir c’est accepter de se restreindre ; et j’ai choisi le mieux que j’ai pu, sans autre préoccupation que de donner justement les exemples les plus typiques et les plus notables.


JEAN THOREL.