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chapitre de Westminster avait à présenter une liste de trois candidats, sur lesquels les évêques devaient rédiger un rapport confidentiel. Il semblait certain que si ce corps évitait d’offenser le pape en lui soumettant le nom d’Errington, le coadjuteur destitué, et s’il était assez bien conseillé pour inscrire sur sa liste le nom de l’évêque de Birmingham, Ullathorne, le choix de ce prélat modéré, conciliant, ne ferait pas difficulté. Le chapitre fut prévenu de l’exclusion prononcée contre Errington. Il n’en tint compte et il mit le comble à sa faute en ne trouvant pas place pour Mgr Ullathorne à côté de l’ex-coadjuteur, des évêques de Clifton, Mgr Clifford, et de Southwark, Mgr Grant.

Dès lors, l’issue de la crise devenait beaucoup plus difficile à prévoir. Le gouvernement anglais, tout hérétique et schismatique qu’il fût, crut devoir intervenir en faveur de Grant, bien vu des ministres depuis ses démêlés avec Wiseman. Mgr Clifford n’en tenait pas moins la corde. Si on l’appelait un peu familièrement à Rome un buon ragazzo, sa naissance, ses liaisons, son tempérament, lui assuraient l’appui dévoué de tout l’ancien catholicisme et des chefs de file de l’aristocratie laïque. Le cardinal Antonelli, esclave de la raison d’Etat, tout enfoncé dans la politique, peu touché de l’intérêt spirituel, inclinait à tenir grand compte des recommandations de l’agent britannique officieux, M. Odo Russell ; mais l’estampille de lord Palmerston et de lord John Russell ne pouvait suffire à faire agréer la candidature de Mgr Grant, de cette piccola testa e pettegola, comme on disait à Rome ; de ce prélat gâté, selon Mgr Talbot, par dix-sept ans de séjour sur les bords du Tibre, qui lui avaient donné le goût pour l’intrigue et la duplicité du caractère italien sans sa noble fidélité pour le Saint-Siège.

Tout cela agitait fort la capitale de la chrétienté en ce printemps de 1865. Les cardinaux de la Propagande, Barnabo en tête, ne se souciaient guère d’assumer la responsabilité d’une tâche ingrate. Au fond, tout dépendait du parti que prendrait le pape d’évoquer l’affaire ou de la laisser suivre son cours. Un religieux anglais, présent à Rome, le Père Coffin, souhaitait tout haut ce qu’il appelait spirituellement, non un coup d’Etat, mais un colpo del Spirito Santo. Mgr Talbot ne restait point inactif. Bien que Manning eût poussé le respect du serment de discrétion qu’il avait prêté jusqu’à refuser de lui télégraphier les choix du chapitre et qu’il eût suspendu sa correspondance avec lui trois semaines et plus, au moment critique, du 24 février au 18 mars, le camérier secret était assez tenu au courant par le prévôt lui-même, par Patterson, par Morris, pour être à même de balancer auprès de Pie IX l’influence des agens des Searle, des Errington,