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point conte, écrivait Tessé à Louis XIV, de la visite que j’ai faite à Mme la comtesse de Verrue, laquelle partit hier pour les bains de Saint-Maurice. Ce fut Saint-Thomas qui me dist qu’il estoit à propos que je la visse, et que je l’assurasse de l’amitié et de la protection de Vostre Majesté. Je le fis, et elle reçut mon discours avec des témoignages excessifs de respect et de joye ; mais à vrai dire, il ne me parut pas à sa figure, à ses manières, à ses coëffures et à son attitude qu’elle songeast à aucune autre affaire qu’à plaire, et je suis trompé si M. de Savoye lui dit son secret[1]. »

Ce qui préoccupait avant tout Tessé, c’était de faire parvenir au Roi les détails les plus minutieux sur la jeune princesse qui allait devenir sa petite-fille. Déjà, au cours des négociations de Pignerol, Groppel avait remis à Tessé un portrait de la princesse, une miniature probablement, et celui-ci s’était empressé de la transmettre à Versailles. Peu après, il expédiait un second portrait, de grandeur naturelle, que la duchesse Anne envoyait à Monsieur. Le principal intéressé, c’est-à-dire le duc de Bourgogne, s’en montrait satisfait. « Monseigneur le duc de Bourgogne, écrivait Barbezieux à Tessé[2], m’ayant demandé si j’avais vu le portrait de la duchesse de Bourgogne, sa future épouse, me l’a montré avec plaisir. » A Barbezieux lui-même qu’en sa qualité de ministre de la Guerre ces choses ne paraissaient cependant guère concerner, Tessé envoyait un corps (nous dirions aujourd’hui un corsage) et un ruban, ayant appartenu à la princesse Adélaïde, sans doute pour donner la mesure de sa taille. En même temps il accompagnait de ce commentaire l’envoi du portrait que la duchesse Anne avait fait parvenir à son père : « Ce portrait est très ressemblant, à cela près que l’on lui a fait les cheveux un peu moins noirs qu’elle ne les a[3]. » Mais, bientôt après, il revenait sur son dire. « Je vous supplie, écrivait-il à Barbezieux, de dire au Roi que je voyois noir ou de travers quand j’ay mandé que Madame la princesse de Savoye avoit les cheveux très noirs. L’on luy avoit mis trop d’essence les premiers jours que je la vis, de sorte que je me dédis ; elle a les cheveux d’un châtain mesme assez clair, et plus clair que ne les avoit Madame la Dauphine[4]. » Il mandait en même temps que plus il observait cette princesse « plus elle lui paraissait saine et bien constituée[5]. » D’autre part il avait soin de noter tous les traits qui pouvaient trahir son humeur et ses dispositions vis-à-vis de la France. « Jamais, écrivait-il, je n’ay l’honneur de la voir

  1. Aff. étrang. Corresp. Turin, vol. 91. Tessé au Roi, 16 juillet 1696.
  2. Papiers Tessé. Barbezieux à Tessé, 7 septembre 1696.
  3. Aff. étrang. Corresp. Turin, vol. 97. Tessé au Roi, 16 juillet 1696.
  4. Dépôt de la Guerre. Italie, vol. 1374. Tessé à Barbezieux, 11 août 1696.
  5. Aff. étrang. Corresp. Turin, vol. 97. Tessé au Roi, 16 juillet 1696.