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avaient épousé des femmes maories et l’on comptait 4 865 métis, 650 de plus que cinq ans auparavant. Il semble bien que la destinée finale des indigènes soit d’être non pas détruits, mais absorbés dans la population blanche, dont le type n’en sera guère modifié, vu son énorme prépondérance.

Les indigènes ne forment plus qu’un seizième des habitans de la terre de leurs ancêtres : même dans l’île du Nord les colons sont sept fois plus nombreux qu’eux. Les 630 000 qui, en 1891, se trouvaient en Nouvelle-Zélande n’y sont pas venus seuls. Ils ont amené avec eux les animaux, les plantes du vieux monde, auxquels le climat n’a pas été moins favorable qu’aux immigrans eux-mêmes. Sous cette invasion étrangère, le pays est devenu tout différent : des millions de moutons, des centaines de milliers de bœufs et de chevaux peuplent les pâturages de cette contrée où les mammifères n’étaient presque pas représentés : les poissons d’Europe remplissent les rivières : des oiseaux du vieux monde ont été introduits aussi. Plusieurs espèces de l’ancienne faune sont menacées de destruction, comme l’aptéryx, comme le rat maori lui-même, qui disparaît devant le rat d’Europe. La vigoureuse flore indigène a mieux résisté : malgré les incendies, malgré l’exploitation des forêts, souvent destructrice, les beaux arbres et les fougères de la Nouvelle-Zélande subsisteront pour lui conserver son individualité. Les plantes du pays ont dû cependant partager leur ancien domaine avec celles qu’ont importées les colons : les céréales, le tabac, les orangers dans l’île du Nord, les herbes même de l’Angleterre. Près des villes et des côtes, ce ne sont pas seulement les habitans, c’est le cadre même qui est devenu européen ou plutôt cosmopolite ; car, à côté des arbres indigènes et de ceux de l’Angleterre on peut y voir l’eucalyptus d’Australie et le gracieux pin ou araucaria de l’île Norfolk, dont la ramure régulière semble former une série de vasques, de plus en plus petites à mesure qu’elles sont plus près de la cime.

Les villes elles-mêmes, de moyenne étendue, bâties presque toutes au bord de la mer, en pente sur des collines où s’étagent des cottages entourés de jardins, que séparent des haies de grands géraniums et où fleurissent des camélias en pleine terre, sont des cités anglaises transportées sous un climat plus doux. Très calmes dans les hauts quartiers, assez tranquilles même dans ceux du port où se concentre le mouvement des affaires, elles n’ont pas l’exubérance des villes américaines, même moins importantes, ni tout leur luxe de moyens de communication mécanique ; elles paraissent plus âgées qu’elles ne le sont réellement, car aucune ne dépasse sensiblement la cinquantaine. La Nouvelle-Zélande a quatre