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et moins rigoureusement asservies à la ligne et à l’angle droits, se sent plus à l’abri du terrible soleil australien, et retrouve quelques traits des villes de l’ancien monde. Les maisons y sont d’une hauteur moyenne ; dans les vieux quartiers, sur les rochers qui dominent le port, on en voit encore qui datent du début du siècle. Le Parlement lui-même, au lieu de loger dans un palais entouré d’un péristyle à colonnes, comme celui de Melbourne, n’a qu’une ancienne demeure, à figure de cottage, où il siège depuis son institution, il y a cinquante ans. Bref, Sydney ne donne pas, comme sa rivale, cette impression de ville surgie subitement du sol, sans passé, sans rien qui rappelle une tradition historique, si fatigante à la longue pour l’Européen en voyage dans les pays neufs.

L’Australie du Sud a aussi sa ville de plus de cent mille habitans, Adélaïde, bâtie dans une grande plaine, à quelques lieues de la mer ; c’est la plus chaude des cités australiennes, et les maisons de pierre blanche qui bordent sa large rue de King William Street, tout éblouissante de soleil sous le ciel d’un bleu sombre, font penser un moment à l’Orient. Les dattiers qui ornent la promenade de North-Terrace, et ceux qui sont épars dans le parc qui entoure complètement le centre de la ville et l’isole des faubourgs, ne font qu’accentuer cette impression. Mais malgré ses cent quarante mille habitans, c’est un peu une ville de province qui ne prétend pas rivaliser avec Sydney et Melbourne, les deux capitales de l’Australie.


IV

Il y a encore aujourd’hui une colonie australienne où l’on peut, non pas seulement voir les résultats qu’a produits la découverte de l’or en Australie, mais se faire une idée de ce qu’était ce pays dans les premières années des mines et de la transformation qu’il subit alors. C’est pour essayer de m’en rendre compte qu’en quittant Adélaïde j’allai passer quelques semaines dans la colonie jusqu’alors si délaissée de l’Australie de l’ouest, où le précieux métal n’a été découvert en quantités appréciables qu’en 1887 et surtout à la fin de 1892 ; c’est là aussi que se trouvent les traces les plus récentes de la transportation qui n’y a pris fin qu’en 1868. Sans doute on n’y voit qu’une image affaiblie de ce qu’était la grande fièvre de l’or à Ballarat et à Bendigo au milieu du siècle, car les mines n’y ont pas la même prodigieuse richesse, et le développement agricole qui a précédé la découverte des gisemens métallifères est de beaucoup inférieur à ce qu’il