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On lui permet de se manifester par des processions et par des missions ; mais s’il s’abandonnait à certaines hardiesses de propagande, il risquerait d’être arrêté au nom de la paix religieuse. Au fond de ces églises bavaroises, où l’on ne refuse aucun luxe à Dieu, vous rencontreriez, surtout depuis le congrès catholique qui s’est réuni à Munich en 1895, plus d’un prêtre tout enveloppé des vapeurs de l’encens, qui volontiers échangerait ce confort contre la liberté d’action du clergé rhénan.

Dans la Prusse rhénane et la Westphalie, le catholicisme a pris, en effet, au cours de notre siècle, une allure apostolique et l’attitude d’une puissance sociale. Sans lisières ni compression, ou peu s’en faut, il est ici tout ce qu’il veut être. Le pouvoir central est lointain ; c’est par surcroît un pouvoir protestant : dirigé par un État catholique, un Kulturkampf a l’air d’un rappel à l’ordre (ce qui fait hésiter et douter les consciences) ; dirigé par un État hérétique, il a l’air d’une provocation (ce qui les soulève et les fait vaincre). A la faveur des circonstances se développa peu à peu, dans la Prusse rhénane, un mouvement d’émancipation catholique, qui surprit tout d’abord les clergés et les fidèles des États voisins, façonnés par le joséphisme. Droste-Vischering, archevêque de Cologne, en donna le signal, en se laissant incarcérer à Minden, en 1837, pour rébellion contre la législation civile des mariages mixtes. Les lois de mai, œuvre commune de M. de Bismarck et de M. Falk, décimèrent l’Eglise rhénane ; elles ouvrirent une crise, où plusieurs évêques perdirent leurs sièges et gagnèrent la prison ; mais entre le clergé tracassé par un pouvoir protestant, et le petit peuple jaloux d’arracher aux industriels protestans une amélioration de son sort, une curieuse alliance fut conclue, qui dure encore et dont le centre prussien profita. L’histoire de cette alliance, sur laquelle nous reviendrons un jour, domine le catholicisme rhénan. Dans la plupart de ses actes, il y eut un mélange de préoccupations religieuses et de préoccupations sociales, qui se soutenaient et s’enveloppaient entre elles. L’Église descendit dans les fabriques, consentit à faire siennes les questions matérielles de l’existence ouvrière. Les fidèles, alors, brisèrent ces compartimens derrière lesquels autrefois ils retranchaient leur vie civique ; et leurs votes allèrent au centre, parce que leurs âmes étaient à l’Église. Elle associait tour à tour les ouvriers de la grande industrie, les paysans, les ouvrières, les commis de boutiques, comme elle avait, dès 1845, associé les compagnons ambulans. C’est en Westphalie et en Prusse rhénane que prirent naissance ces puissans Vereine, lentement ramifiés à travers toute l’Allemagne. Ils trouvaient la place prise par un discret