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la chaux, et passe du noir ardoisé au blanc crayeux, pendant que le carbure, se mariant avec l’hydrogène de l’eau, devient l’acétylène. Celui-ci, pour peu qu’on approche une allumette de l’orifice du flacon, brûle avec une flamme superbe. C’est un gaz très riche ; un mètre cube d’acétylène éclaire quinze fois autant qu’un volume semblable de gaz ordinaire. Une destination naturelle du nouveau luminaire est de s’allier, dans la proportion de 2 ou 3 pour 100, aux produits de la houille pour augmenter leur intensité. Déjà il s’est substitué au gaz portatif pour l’éclairage des wagons de chemins de fer. Nécessitant un emmagasinement moindre, il joue, dans l’approvisionnement de clarté, le rôle du bouillon concentré dans l’alimentation.

Son succès chez les particuliers dépendra surtout de son prix. Suivant que les 500 bougies-heure, auxquelles correspond un kilogramme de carbure de calcium transmué en gaz, coûteront, avec l’acétylène, plus ou moins qu’avec les systèmes actuels, cet éclairage demeurera une curiosité de dilettante ou se répandra au contraire dans le public. Pour chauffer les fours, il faut une force énorme d’électricité, laquelle exige une grosse dépense de charbon lorsque les dynamos sont mus par des machines à vapeur. Le carbure de calcium se vendait, à l’origine, 18 francs le kilo ; il vaut maintenant 3 fr. 50 à l’état absolument pur, seul convenable aux lampes ingénieuses qui fabriquent elles-mêmes leur gaz à mesure qu’elles l’emploient. Les 10 bougies-heure reviennent alors à 7 centimes, trois fois plus qu’avec le pétrole, onze fois plus qu’avec le bec Auer. Mais si, au lieu de cuisiner son gaz sur sa table, on mélange le carbone à l’eau, dans une sorte de gazomètre communiquant par des tuyaux avec les différentes pièces de l’habitation, on peut se servir de matières moins raffinées, que les pays où les forces électriques sont gratuites, comme la Suisse, offrent pour 0 fr. 25 le kilo. Le carbure de calcium à ce prix fournit les 10 bougies à un demi-centime par heure ; dans ces conditions, il remplacerait avec avantage, du moins à la campagne, pour les châteaux et les usines, les luminaires jusqu’ici adoptés. Certains manoirs écossais en furent largement pourvus l’an dernier, au moment de la chasse aux grouses, et leurs hôtes s’en trouvèrent bien. Le chiffre de 0 fr. 25 n’est peut-être pas, du reste, le dernier terme du progrès ; le charbon et la chaux qui composent ce produit chimique sont si peu coûteux que, du jour où la fabrication aurait pris quelque essor, l’acétylène arriverait à un bon marché dérisoire.

L’usage de ce gaz économique n’aurait-il aucun inconvénient ? Il avait passé pour toxique ; des expériences récentes ont