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mouvement de recherches ardent et passionné ; la botanique, la physique, la chimie, avaient reçu des savans suédois, Linné, Celsius, Berzelius, une impulsion mémorable. Et nous verrons tout à l’heure comment il a suffi aux tendances littéraires contemporaines de parvenir en Suède pour y provoquer aussitôt un enthousiasme plus fougueux et des haines plus vives, pour y être aussi poussées à des conséquences plus extrêmes que dans aucun autre pays.

De tout temps, dans l’histoire de la littérature et de l’art suédois, nous retrouvons le même phénomène : toujours nous voyons l’esprit suédois en quête des nouveautés de l’étranger, et toujours nous voyons ces nouveautés, à peine introduites en Suède, y prendre un caractère extrême et exclusif qu’elles n’ont eu nulle part ailleurs.

L’influence du dehors a même été dès le début si caractéristique que l’on a coutume aujourd’hui de désigner les différentes périodes littéraires de la Suède par le nom des littératures étrangères dont elles étaient issues.

C’est ainsi que l’on distingue une époque anglaise, inspirée surtout d’Addison, de Pope et de Swift ; puis une époque française, inaugurée par le mouvement de réforme littéraire de Dalin, et subissant l’influence de Voltaire et des encyclopédistes : c’est l’époque qu’on appelle encore l’époque gustavienne, du nom du roi Gustave III. Puis vint le tour d’une époque allemande, et la littérature suédoise se mit à imiter Lessing, Klopstock, Schiller et Gœthe.

À cette période succéda une période de réaction nationale. La littérature suédoise tenta de se retrouver elle-même, de prendre un caractère plus personnel, en ressuscitant, soit par la légende, soit par l’histoire, la Suède du passé. Le début de ce mouvement remonte aux environs de 1835, lorsque les poètes Tegnér, Geier, Ling et Stagnolius détournèrent à leur profit la victoire remportée par les romantiques sur le classicisme de l’époque gustavienne, et tentèrent de créer, sous le nom d’École gothique, une école de poésie vraiment nationale.

Déjà, avant les Gothiques, Thorild avait cherché à secouer la domination de l’esprit encyclopédiste français, devenue excessive sous le règne de Gustave III. L’Ecole des Phosphoristes, formée d’après ses théories, avait, avec Hammarskiöld, Atterbom et Dahlgren, continué la lutte contre le parti des Académiciens, dont les coryphées étaient le poète de cour Léopold, les lyriques Wallmarck et Valerius, l’évêque Wallin et le poète finlandais Franzén. Mais si les classiques ou Académiciens étaient