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lois anciennes, et chez lequel la carrière des armes est en honneur. Les décorations ne sont pas encore en usage dans l’armée abyssine. Le négus récompense les actions d’éclat et les services rendus par des dons de boucliers, ornés de lames d’argent ; le plus ou moins grand nombre de ces lames indique le degré d’estime dans lequel on doit tenir le porteur. Ces boucliers, ainsi ornés, équivalent aux anciennes distinctions accordées par les souverains d’Europe, et aux fusils et sabres d’honneurs délivrés aux plus braves, sous la première république française. Le drapeau national abyssin consiste dans trois flammes : verte, rouge et jaune, fixées à une hampe.

La masse des soldats de Ménélik se compose de fantassins. Ce sont des montagnards hardis, très agiles et habitués à la guerre. Comme les soldats russes, ils sont croyans jusqu’à la superstition. Des prêtres les suivent et entretiennent leur foi, qui se confond chez eux avec le patriotisme. Les contingens des ras, les fannos, ne sont que des milices organisées en groupes formant unités tactiques. Cependant il existe des corps permanens, dits wottoaders, ou soldats de métier, placés sous la main de l’empereur, et qui se montaient, avant la guerre, à près de 20 000 hommes. Ces wottoaders abyssins se rapprochent d’une armée régulière et rappellent les anciens janissaires turcs et strelitz russes. Parmi eux se trouve comprise la garde d’honneur de l’impératrice, troupe d’élite, d’un effectif de 5 000 hommes environ, recrutée avec soin, qui évolue et marche avec ordre, et donne, lorsque les circonstances exigent un effort vigoureux. Les principaux feudataires, tel le roi de Godjam, ont également, autour d’eux des bandes de wottoaders, qui servent de noyau à leurs fannos miliciens et qui les dispensent souvent d’avoir recours à l’appui des gens de franc-alleu.

Lus hommes ont un équipement sommaire et tiré du pays ; malgré cela, on est émerveillé de leur bonne allure. Les Abyssins entretiennent leurs armes avec soin ; ils n’ont point voulu adopter la baïonnette ; avec le fusil moderne, ils ont conservé le bouclier et le coutelas. Dans le corps à corps, ils retiennent le fusil de la main gauche, derrière le bouclier, et se servent du coutelas. Les effets de la combinaison du bouclier, qui pare des coups, et de l’arme blanche, qui en porte, sont, d’après les Abyssins, supérieurs à ceux qu’on peut attendre de la baïonnette.