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partout, mais d’abord en Italie[1], sans jamais enfreindre les lois internationales ; il n’a pas eu seulement recours aux négocians étrangers, à la « contrebande de guerre » comme on a répété avec dépit à Rome ; mais ses adversaires eux-mêmes lui ont livré des armes, — et cela bien involontairement en dernier lieu. — Il continuera à se pourvoir de son mieux, et les événemens futurs ne le prendront point en défaut.


VI

La cavalerie du négus se compose principalement de contingens fournis par les Gallas, peuplades habitant dans les plaines au sud du Choa. Cette cavalerie, montée en chevaux de race arabe, a été peu employée par Ménélik, vu la configuration du théâtre de la guerre. Malgré cela, et d’après les rapports italiens, elle a donné à la bataille d’Adoua, poursuivi les vaincus avec acharnement, achevé leur déroute, et enlevé jusqu’aux convois d’ambulances. Les Gallas, armés de cimeterres en forme de faux, ont montré une adresse toute sauvage dans la façon dont, en se courbant sur leurs chevaux sans selles, ils coupaient ou entaillaient le cou à tous ceux qu’ils pouvaient atteindre.

Au surplus, le Tigré ne se prête ni aux raids ni aux charges de la cavalerie. (Les Italiens, eux, n’avaient qu’un escadron indigène levé dans l’Erythrée.) La cavalerie des Gallas, dont tous les voyageurs ont admiré l’élan et la fougue, possède la valeur des anciens Numides et Parthes, et vaut les Turkmènes, les meilleures tribus arabes, les Gauchos des pampas sud-américaines, voire les Cosaques russes[2]. Cette cavalerie rendrait d’immenses services dans les régions planes, à l’ouest de l’Ethiopie, contre les Soudanais. Les Italiens eussent trouvé, devant eux et sur leurs flancs, une innombrable cavalerie galla s’ils avaient essayé la diversion sur le Choa, par le golfe d’Aden et la route de Harrar, diversion projetée un instant à Rome et rejetée presque aussitôt, dans un éclair de raison.

  1. Ce sont les déclarations franches de M. Franzoi, l’explorateur italien, dont le témoignage est désintéressé, irréfutable.
  2. Rochet d’Héricourt, dans sa relation, et l’Italien Gustavo Biancchi, dans son ouvrage Alla Terra dei Galla (1882), vantent l’habileté équestre des Gallas et leurs qualités dans l’offensive.