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nous connaissons céderait la place à un art purement décoratif en quelque sorte.

Mais si le génie artistique peut librement choisir entre les matériaux qui lui sont fournis par la sensation, il n’en est pas moins astreint à tenir compte de la nature spéciale de ces matériaux mêmes. L’architecte peut opter pour le style qui dérive de la construction en bois, pour le plein cintre et l’ogive du moyen âge qui dérivent de l’arcade étrusque, pour la construction en fer moderne, mais, son parti une fois pris, sa libre imagination doit se mouvoir entre les limites imposées par les conditions particulières de la matière choisie.

Nous ne pouvons que renvoyer ici le lecteur aux considérations développées par Helmholtz sur ce sujet.


V

Cœli enarrant gloriam Dei. Les sciences, elles, racontent les cieux, les cieux de Képler, Copernic, Galilée, Newton, Laplace, Le Verrier, Bunsen et Kirchhoff. Depuis trois siècles, elles ont remanié de fond en comble les théories cosmogoniques admises jusqu’à cette époque ; elles ont enlevé à la terre la place prépondérante qu’elle occupait dans les hypothèses anciennes ; elles en ont fait l’une des plus humbles parmi les planètes qui gravitent autour du soleil. Le soleil, à son tour, a été classé parmi les moindres étoiles. Tous les mouvemens des astres, depuis ceux des planètes jusqu’à ceux des étoiles doubles, ont été expliqués par la loi unique de la gravitation universelle, vérifiée jusqu’aux plus lointaines profondeurs de l’espace. La composition intime des astres a été étudiée, et l’analyse spectrale a permis d’y reconnaître quelques-uns des corps au milieu desquels nous vivons. Bien mieux, par cette investigation, nous avons été amenés à retrouver sur la terre elle-même des substances que nous avions découvertes d’abord dans les cieux. L’infiniment petit a été exploré comme l’infiniment grand, et l’on a pu scruter les mystères de la constitution des molécules et des atomes. Pour la vie elle-même, si l’on n’a pu jusqu’ici en déterminer les origines, il a été du moins possible d’en étudier l’évolution dans l’espèce, dans l’individu, dans l’œuf, et de déduire de cette étude les plus surprenans résultats.

A cet agrandissement des horizons, à cet élargissement des perspectives, bien des légendes ont été diminuées, amoindries ; de « vieilles chansons » qui avaient bercé l’enfance de l’homme ont expiré sur les lèvres de l’humanité adulte.

Quand Homère ou Hésiode nous racontent que, pour