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sorte de Renommée ou de Marseillaise, mais allongée, d’un vol horizontal, personnifie l’ouragan. C’est plus facile à comprendre que l’Etoile filante, mais c’est moins plastique encore. Aucune œuvre, au Salon, ne saurait mieux prouver les dangers qu’il y a pour un sculpteur à chercher le mouvement à outrance et le pittoresque quand même, surtout dans une œuvre de ronde bosse.

La recherche du pittoresque dans un bas-relief, sur une surface plane qui joue le rôle du panneau pour une peinture, expose à de moindres mécomptes. On peut trouver cependant que M. Roussel, représentant la Mer, a voulu faire parler plus que de raison de très minces saillies, en les chargeant de rendre le mouvement des vagues qui engloutit des naufragés. C’est un peu le même effet que chez M. Larche, avec plus de discrétion pourtant. Entre ces deux victimes roulées par la lame, au-dessus d’un cadavre déjà attaqué par les crustacés, étendu, rigide, en bas, au fond de l’eau, se dresse, sur la cime des vagues, une Vénus Anadyomène personnifiant l’élément séduisant et perfide. Les diverses parties de cette composition sont traitées avec soin, habileté, et souvent très bien venues. A côté de ce très bas-relief, exécuté par plans successifs et très minces, comme les bas-reliefs de la Renaissance florentine, deux compagnons de M. Roussel à la villa Médicis, MM. Gasq et Octobre, nous montrent des exemples de reliefs plus décidés et plus énergiques, moins compliqués aussi, sinon aussi clairs et simples que des reliefs grecs. Nous avons déjà eu l’occasion d’apprécier, sur le modèle, les qualités de sentiment et de goût qui signalent la conception de l’Héro et Léandre, par M. Gasq. Le marbre a donné plus de charme encore, un charme grave et délicatement passionné, à cette heureuse composition. L’exécution en est ferme, très sûre et ressentie, et donnerait toute satisfaction aux yeux si quelques trouées, un peu trop marquées peut-être, dans le centre, n’y semaient, mal à propos, des taches d’ombre. M. Gasq joint à ce bas-relief un groupe en marbre de grande dimension, Médée tuant ses enfans, dont la disposition générale rappelle le célèbre tableau d’Eugène Delacroix, au musée de Lille, mais c’est là le seul rapport qu’il y ait entre eux. M. Gasq, avec raison, ne s’est point laissé aller au plaisir de lutter, pour l’agitation des formes et pour l’explosion dramatique de la passion furieuse dans une mère dénaturée et de l’effroi naïf dans les petites victimes, avec le plus coloriste des peintres romantiques. Il a regardé la même action en sculpteur tout imprégné d’art antique et de sentiment antique. Les parties nues de la Médée, les deux enfans nus ont semblé d’excellens morceaux, d’un style libre et fort autant que correct, et qui nous promettent un vrai sculpteur de plus. Il y a plus d’hésitation et moins d’expérience