Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fabuleuses que beaucoup d’ailleurs oubliaient de payer, ce qui fut cause que la moitié des maisons du marché libre de Paris disparurent.

Cette bourrasque passée, la romanesque aventure de Jameson remit le Transvaal à la mode. On ne parla plus, dans les feuilles, que du magnanime président Kruger, des infortunes peu héroïques des uitlanders, de l’arrestation en masse des ingénieurs millionnaires de Johannesburg, de la diplomatie de M. Chamberlain, des aventures de l’homme qui mène la ronde de l’or et des diamans, le maître du pays d’Ophir, M. Cecil Rhodes. Un jour, un télégramme faillit mettre aux prises l’Allemagne et l’Angleterre ; John Bull, si on l’eût un peu pressé, allait déclarer la guerre à l’univers. L’Europe a frémi, durant quelques heures, devant la légende de l’ « escadre volante ». Elle se remettait de son émoi, lorsque les sénateurs américains, prenant les insurgés de Cuba sous leur protection, commencèrent une mauvaise querelle à l’Espagne, cependant que les Italiens se faisaient battre en Afrique par un monarque noir et sauvage, étrangement frotté de civilisation. Dernier spectacle offert par la lanterne magique de la politique internationale, la Grande-Bretagne s’apercevant que ses démêlés avec l’Allemagne et la guerre d’Abyssinie risquaient de remettre sur le tapis la question d’Egypte, décidait de brusquer les choses en annonçant un matin au monde qu’elle allait, après de longues années de patience, venger le désastre de Khartoum et la mort de Gordon, et reconquérir le Soudan.

De tant d’inquiétudes données par cette succession de faits sensationnels à l’humeur pacifique des populations civilisées, le monde commercial et industriel s’est à peine ressenti. Les affaires, qui avaient commencé à redevenir actives, dans les usines et dans les magasins, n’ont plus cessé de l’être. La reprise s’est accentuée régulièrement, portant un renouveau de vie dans toutes les branches de l’industrie. Les prix des marchandises se sont relevés, les recettes des chemins de fer se sont accrues, les publications douanières ont accusé un grossissement continu du volume des échanges internationaux.


I

Ce revirement est le point capital de la situation économique présente. Il marque le tournant vers une orientation nouvelle après une période prolongée, ininterrompue, d’amoindrissement. Quel que soit l’aspect sous lequel on considère le mouvement commercial pendant les quatre années 1891-1894, exportation ou