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terres de la couronne sont en conséquence non pas vendues, mais louées à baux emphytéotiques de neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ans, c’est-à-dire pratiquement à perpétuité. Deux autres modes d’aliénation ont, cependant, encore été maintenus, mais ne doivent pas être appliqués à plus de 100 000 hectares par an : ce sont la vente au comptant, à prix fixe, et la location pour vingt-cinq ans ; dans ce dernier cas, l’occupant peut acheter le fonds après dix ans. La rente est fixée à 5 pour 100 du prix de vente au comptant dans le cas de location pour vingt-cinq ans et à 4 pour 100 seulement dans le cas de l’emphytéose. Les terres du domaine sont divisées en deux catégories : celles de la première se vendent au maximum 1 livre sterling par acre (62 fr. 50 par hectare), et nul n’a le droit d’en occuper plus de 256 hectares ; le prix maximum pour celles de la seconde est de 15 fr. 50 par hectare, et nul ne peut en occuper plus de 800 hectares. Si un colon possède déjà des terres en Nouvelle-Zélande, il faut défalquer leur surface de ces maxima de 256 et 800 hectares pour obtenir l’étendue qu’il peut encore acheter ou louer à l’Etat. Des précautions extrêmement minutieuses sont prises pour assurer la culture des lots par leurs occupans. Même dans le cas de vente au comptant, il n’est délivré à l’acheteur qu’un certificat d’occupation et il doit, avant sept ans, avoir fait des améliorations à raison de 62 fr. 50 par hectare s’il s’agit de terres de première classe ou de 31 fr. 25 pour celles de deuxième classe. C’est alors seulement qu’un titre définitif lui est remis. Pour les deux autres modes de tenure dont le dernier, le louage à neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ans, est le favori de l’administration, la réglementation est plus minutieuse encore : obligation à la résidence pendant sept ou dix ans de suite ; amélioration à raison de 10 pour 100 du prix de vente la première année, puis de 10 pour 100 encore en deux ans, puis encore de 10 pour 100 on six ans ; nouvelles améliorations ultérieures jusqu’à concurrence de 62 fr. 50 ou 31 fr. 25 suivant la catégorie à laquelle appartient la terre : voilà ce qu’on exige du colon.

L’ensemble de ces mesures constitue à notre sens un affaiblissement notable du droit de propriété et une immixtion tout à fait excessive de l’État dans les affaires privées des particuliers. Ce droit de possession primordial qu’on attribue à l’État sur toutes les terres n’est qu’un retour aux principes des despotismes orientaux où le souverain a un droit absolu sur les biens de ses sujets : que le souverain soit un, ou la moitié plus un, comme dans les démocraties, ce n’en est pas moins là une maxime détestable. Sans doute un bail de neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ans