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approuvait sans bruit, riait, applaudissait fort rarement. Une seule fois elle se réchauffa un peu, c’était au passage d’un char symbolique sur lequel, d’un côté, un ouvrier ébéniste blanc travaillait posément à un meuble, tandis que de l’autre un individu déguisé en Chinois, sa longue tresse enroulée sur le sommet de la tête, se démenait comme un diable. Au-dessus était inscrit en grosses lettres : « Quel est votre homme ? » A l’accueil de la foule, on comprenait combien est intense l’animosité que la crainte d’une concurrence « déloyale », plus encore que la haine de race, inspire aux colons d’Australie contre les « Mongols ».

Les lois ouvrières ont donc surtout porté sur le travail des femmes et des enfans : c’est en Nouvelle-Zélande qu’on peut encore, sur ce point, se rendre le mieux compte des tendances dominantes en Australasie : « Sous bien des rapports, dit, avec orgueil, the official Year Book of New Zealand, nos lois sur le travail sont en avance sur la législation existante ailleurs… » Etudions donc ces lois, puisque c’est des antipodes aujourd’hui que nous vient la lumière.

Le travail des enfans au-dessous de 14 ans est absolument interdit : tant qu’ils n’ont pas 16 ans ils doivent justifier, pour pouvoir travailler, que leur instruction atteint un certain niveau. Aucune femme ni aucun enfant âgé de moins de 16 ans ne peut être employé pendant plus de huit heures par jour, ni entre 6 heures du soir et 8 heures du matin dans aucun atelier ou manufacture (workroom or factory), et ces mots s’entendent de tout bureau, bâtiment ou lieu quelconque où travaillent plus de deux personnes salariées ; les blanchisseries, boulangeries, laiteries, sont comprises parmi les manufactures, ce terme étant entendu dans son sens le plus large. Le travail du dimanche est interdit, et, en outre, comme le dimanche anglo-saxon est un triste jour de fête, toutes les femmes et les jeunes gens de moins de 18 ans doivent avoir au moins un demi-jour de congé par semaine. Par les lois de 1892 et 1894, cette prescription a été étendue aux boutiques et magasins de vente au détail : le travail des femmes et jeunes gens y est limité à neuf heures et demie par jour, repas compris, sauf un jour par semaine où il peut durer deux heures de plus. Depuis 1894, l’après-midi de congé accordée aux employés est la même pour tous, sauf dans quelques commerces spéciaux, et est déterminée par les autorités locales. Ce jour-là, tous les magasins et boutiques doivent être fermés à 1 heure ; sont exemptées les boutiques tenues par des Européens où eux et leurs enfans sont seuls employés et où l’on se livre à quelques commerces spéciaux : fruiterie, pâtisserie, etc.