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françaises. Le gouverneur avait fait mettre toute la garnison sous les armes pour venir au-devant d’elle, Le lendemain il l’accompagnait encore une demi-journée, et au moment où il allait prendre congé d’elle, il lui demanda, en s’inclinant, le mot d’ordre. Elle répondit sans hésitation : « Saint-Louis[1]. »

Le 13 au soir elle arrivait à Chambéry. La vieille capitale de la Savoie s’était mise en frais pour recevoir la fille de ses ducs. Les registres de ses délibérations en font foi : « La ville, en considération de l’arrivée de Madame la Duchesse de Bourgogne, ordonne qu’il sera fourni à MM. les enfans de la ville qui iront au devant d’elle à chacun un plumet de la valeur de cinq à six livres, et aux serviteurs de ville chacun un justaucorps rouge avec l’étoile sur la manche[2]. » Elle avait armé en outre une compagnie de quatre-vingts cavaliers, revêtus de casaques écarlates, et dont les chevaux portaient des housses de même couleur. A la tête de cette troupe et d’un gros de gentilshommes savoyards, le marquis de Tana vint au-devant de la princesse jusqu’à moitié chemin, entre Montmélian et Chambéry. La princesse fit son entrée dans cette dernière ville à la tombée de la nuit, au milieu des vivats du peuple, des illuminations et des feux de joie. Elle monta jusqu’au château et prouva dans la cour une quantité de dames de la noblesse. Elle les accueillit benignissimamente et rendit indistinctement leur salut à celles qui étaient dames d’honneur de Leurs Altesses Royales et à celles qui n’avaient pas cet honneur.

Le lendemain elle fut à la messe dans la chapelle, où elle entendit une élégante harangue du clergé. Puis, aussitôt après le déjeuner, elle dut se prêter aux mêmes cérémonies qu’elle avait déjà subies à Turin. Le Sénat de Chambéry, la Chambre des Comptes, les membres du Corps de la ville, revêtus, les uns de leurs robes rouges, les autres de leurs plus beaux vêtemens, la vinrent successivement haranguer. Toutefois une distinction établie par le Maître des cérémonies lui permit d’échapper à un baisemain général, et il fut décidé qu’au-dessous d’un certain rang, le baisemain serait remplacé par une inclination profonde qu’elle reçut, debout, sous un baldaquin.

Il lui fallut ensuite sortir de la salle d’audience pour recevoir dans l’antichambre les complimens des Ordres monastiques réguliers, qui lui adressèrent leurs hommages par députation. De là, accompagnée d’une nombreuse suite de cavaliers, elle se

  1. Tous ces détails du voyage de la princesse jusqu’au Pont de Beauvoisin sont tirés de la relation du comte de Vernon.
  2. Bibliothèque de Chambéry. Archives départementales de la Savoie, 45e livre des délibérations de la ville.