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pour la trouver ; Umballa reste couché à la porte du bazar, où le soleil lui réchauffe le dos. Une vieille esclave lui offre un sou pour aller vider son panier d’ordures. Facile moyen de gagner son déjeuner ! Il va vider le panier ; .. et la bague roule à terre avec un trognon de chou.

De même, ce petit pâtre du mont Hymète qui, couché sur la colline par un beau jour de printemps, tire de sa flûte quatre notes joyeuses, pendant que tout Athènes se précipite à l’Agora, pour entendre expliquer par un philosophe stoïcien le secret de la vie heureuse. La flûte du petit pâtre, à elle seule, lui en a dit plus long.

Qu’importent, en vérité, la science, les richesses, la renommée, quand l’amour et le rêve suffisent si délicieusement à remplir la vie ? Abdoula, le nègre du Soudan, sait qu’en jetant trois pierres dans le puits qui est sous la statue d’Isis, au moment même où la lune touchera l’eau de son reflet, il est assuré de voir exaucer trois de ses souhaits. Accroupi aux pieds de la déesse, au milieu des sombres ruines de temples et de palais, il guette le passage de la lune an zénith, l’instant où elle dardera sa, douce lumière jusqu’au fond du puits. Il tient ses trois pierres. En jetant la première, il souhaitera d’être aimé de Fatma ; en jetant la seconde, de devenir chef de sa tribu ; en jetant la troisième, de vivre longtemps. Soudain un rayon d’argent effleure la surface de l’eau, et la première pierre tombe au fond du puits. Alors Abdoula, le cœur en joie, la face illuminée, rentre dans son village, oubliant, dans son bonheur, les deux autres pierres. Que lui importent puissance et longue vie, puisque Fatma déjà l’aime ?

Cependant tout en prêchant l’insouciance et la quiétude orientales, M. de Heidenstam ne manque pas lui-même d’aller au fond des choses, de voir et de déplorer tout le mal dont nous souffrons. Et malgré tout son épicurisme et toute sa quiétude orientale, au fond c’est un pur Scandinave, un vrai Suédois, d’une âme à la fois aventureuse et contemplative, active et mélancolique, mystique et incrédule, rêveuse et pratique.

Le héros de son roman : Hans Alienus est le fils d’un savant professeur suédois, sceptique et misanthrope, et d’une belle Italienne légère et dévote, qui, avant de se marier, a mené longtemps une joyeuse vie. Leur union a été de courte durée, tout juste assez longue pour que leur fils ait eu le temps de naître. Le père, laissant sa femme poursuivre à Rome une vie de plaisirs, a enlevé son fils et est revenu avec lui à Stockholm où il a vécu depuis en solitaire, plongé dans ses livres. Hans a grandi dans cette solitude. D’un esprit trop indépendant pour s’accommoder d’aucune