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importantes qui, dans un rayon de quelques lieues, entouraient Dougga, et dont il ne reste que des débris !


III

Si l’on veut trouver en Afrique un amphithéâtre qui réponde à la beauté du théâtre de Dougga, il faut traverser la Tunisie dans presque toute sa longueur et descendre jusqu’à El-Djem.

El-Djem s’appelait autrefois Thysdrus. C’était, du temps de César, une toute petite ville. Il dit qu’il ne lui imposa pas une forte contribution de guerre « à cause de son peu d’importance ». Sous l’empire, elle devint très florissante. La grandeur de son amphithéâtre prouve qu’elle était très peuplée, et, comme six voies romaines s’y rencontraient, on est en droit de supposer que son commerce devait être fort étendu. Quand on y vient de Kairouan, on s’explique sans peine cette prospérité subite. Kairouan est bâtie au milieu d’une immense plaine où rien ne pousse, dans une sorte de désert sans eau, sans arbre, sans verdure. On voit bien que celui qui l’a fondée était l’adepte d’une religion fataliste ; il ne voulait pas se préoccuper des conditions de la vie, pensant que Dieu y pourvoirait ; il croyait que cette sorte de défi à la nature laissait à la Providence divine un rôle plus éclatant. Il faut qu’on s’éloigne beaucoup de Kairouan pour que le désert vous quitte. Peu à peu la vie revient ; les arbres ne sont pas fort abondans encore, mais la verdure commence à reparaître : on sent que quelques filets d’eau doivent courir sous ce sol desséché. A la Smala des Souassi le pays a déjà changé d’aspect ; la campagne est devenue plus riante ; et l’on est tout réjoui de voir quelques collines se dresser timidement à l’horizon. El-Djem n’est pas loin, et c’est à cette heureuse situation, tout près du désert, à l’entrée des plaines fertiles, que Thysdrus devait évidemment sa fortune.

De cette fortune il reste bien peu de chose aujourd’hui : quelques chambranles de portes antiques qui donnent accès à des masures d’indigènes, de méchantes mosaïques à moitié soulevées, des médailles, des poteries que vous offrent de pauvres gens, un grand chapiteau de colonne dans un trou, qu’est cela, quand on songe à la grandeur de la ville que ce petit village a remplacée ! Mais l’amphithéâtre suffit à la curiosité des visiteurs ; allons donc voir l’amphithéâtre.

C’est un monument énorme, et qui le paraît d’autant plus que tout est humble et bas autour de lui. De plus de dix lieues à la ronde on l’aperçoit, et l’on n’aperçoit pas autre chose. Comme