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militant. Avant l’occupation, les fonctions de curé étaient exercées par les franciscains, en vertu d’anciens firmans obtenus sur l’intercession de la république de Raguse. La Propagande administrait ce diocèse in partibus. Depuis, un siège archiépiscopal a été fondé à Serajevo, et deux évêchés à Banjaluka et à Mostar. L’archevêque actuel, Mgr Stadler, est un prélat universellement considéré dans les pays jugo-slaves. Il s’est appliqué, malgré l’opposition des franciscains, à constituer en Bosnie un clergé séculier. Son but est d’édifier sur de solides assises le catholicisme, dans cette province où les Turcs, autrefois, ne faisaient que le tolérer, et que les chrétiens du rite grec peuplent en grande partie. Le patriotisme de Mgr Stadler est à la hauteur de son tact épiscopal. Uni de cœur et d’opinions avec Mgr Strossmaier, il se tient à distance des doctrines irritantes, plus encore des polémiques que, dans son diocèse surtout, elles risquent d’engendrer. Du reste, il n’y a pas, à proprement parler, de parti croate en Bosnie. Il y a seulement, dans la classe des commerçans, des propriétaires, surtout dans les rangs du clergé, des starceviciens ardens, en relations avec leurs coreligionnaires politiques de Croatie et de Dalmatie, qui cherchent à faire ; des recrues chez les musulmans et ont déjà comité à Serajevo et organe à Mostar.

L’élément musulman, et surtout la classe des begs, se montré, en général, satisfait de l’Autriche, qui respecte, — même avec affectation, — son culte, touche le moins possible à l’unité de son droit (à la fois civil et religieux), enfin favorise incontestablement le progrès économique. La prédication d’une guerre sainte, aujourd’hui, trouverait peu d’écho, sauf peut-être dans la région montagneuse qui s’étend au sud-est de Serajevo, vers Novi-Bazar. Ce sandjakat de Novi-Bazar est au surplus une zone doublement dangereuse pour l’influence autrichienne ; car — sans compter les retours éventuels du fanatisme musulman, — c’est vraiment, comme disent les Jugo-Slaves, le knin (piton) enfoncé entre deux fractions du monde orthodoxe, par-dessus lequel Monténégrins et Serbes peuvent un jour se donner la main.

Aussi l’élément orthodoxe, en Bosnie, fixe-t-il de préférence l’attention de l’Autriche, encore que, fidèle à ses maximes, elle le traite quelquefois d’autant mieux qu’elle le suspecte davantage. C’est le groupe le plus nombreux, le plus animé aussi contre les musulmans, qui vivent au contraire en bonne intelligence avec les catholiques. Enfin c’est le seul qui subisse, grâce à la solidarité confessionnelle, l’influence d’Etats protestataires contre l’occupation autrichienne. L’ « idée serbe », ici, ne se présente plus de biais, comme en Croatie et en Dalmatie, où elle se borne à gêner