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sans nationalité, — si accusée ici, — sans respect, non plus, de l’individualité.

C’est la Terreur en peinture, mais ce n’est pas Marat.

Il a pourtant, ce maître, par éclairs, un sens profond de la nature, on le voit à ses dessins. Plusieurs de ses portraits ont aussi une grande valeur d’expression. Je pense, entre autres, à celui de M. Lenoir, le fondateur du Musée des monumens français.

Ce qui est infiniment regrettable, c’est que ce sentiment de la nature — un si précieux auxiliaire pour l’artiste ! — David, au lieu de s’y abandonner, semble plutôt le redouter et le fuir.

Qu’est-ce pourtant que la spécification, sinon le juste hommage rendu à la liberté individuelle ?

David ne fut donc pas, comme certains l’affirment légèrement, l’interprète de la Révolution. Il le serait plutôt de l’Empire. Bonaparte se Tétait attaché avant même d’être consul. Il fut fidèle à l’empereur, peignit les dates officielles de son règne, le Couronnement, la Distribution des aigles, etc. Mais cela ne symbolisait pas la France, et c’est le point de vue qui m’occupe.

A part Napoléon et les siens, David, dans son œuvre qui est considérable, a peint surtout l’antique.

Son éducation l’y avait préparé. Neveu, gendre d’architectes, il entra, en quittant le collège, chez son parent Boucher. Mais celui-ci, vieux et bien près de la mort, n’enseignait guère plus. Il légua son élève au peintre Vien, qui le prit avec lui lorsqu’il fut nommé directeur de l’École de Rome.

David avait alors vingt-sept ans, l’âge où la personnalité de l’artiste a déjà pris l’essor. Mais à copier, copier toujours, pendant cinq longues années, ce que l’on connaissait alors de l’antique : le secondaire et l’immobile, comme représentation des dieux et des déesses, il semble que David ait perdu, en partie, ce qu’il pouvait avoir d’originalité.

On a fort admiré les bas-reliefs qu’il a introduits dans ses compositions. Mais d’abord, pourquoi des bas-reliefs en peinture ? Ils viennent là pour figer la vie. La rigidité du marbre se retrouve dans les personnages. Les orfèvres et les peintres du XIVe siècle ne sont pas plus symétriques. Romulus et Tatius sont opposés aussi régulièrement que les deux jambages d’une porte.

L’Ecole romaine ne réussit pas toujours à ceux qui la pratiquent. Ou bien elle les submerge dans la peinture étrangère à nos mœurs, ou bien, elle les stéréotype, les durcit, les paralyse, par l’étude, non de l’antique complet, organisé, mais en fragmens d’antiques souvent médiocres, toujours scindés, — donc faux.

Qu’en résulte-t-il ? Que l’élève, devenu maître à son tour,