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d’Hercule. Il faut attribuer un sens analogue aux colonnes de bronze, couronnées de chapiteaux en forme de grenades, qui se dressaient dans le temple de Jérusalem, des deux côtés de l’entrée, et portaient les noms mystérieux de lakin et de Boaz. Les monnaies qui nous ont conservé les images des temples d’Ephèse et de Paphos nous présentent de même une façade décorée de deux colonnes libres ; sur les monumens de Carthage enfin, rien de plus fréquent que de voir, à la place occupée par les symboles divins, une colonne solitaire surmontée de la grenade. Ici, pas de grenade, pas de noms mystérieux ; mais cet aigle doré, de style archaïque, n’est autre chose que le disque ailé qui s’étale sur tous les monumens religieux de l’Egypte et de la Phénicie.

Les autres temples du Zeus Lykaios présentaient, avec quelques différences, la même disposition générale. La description qu’en donne Pausanias répond si fidèlement à celle du tabernacle juif qu’on la dirait copiée sur le livre de l’Exode : deux autels, avec deux tables et deux aigles égaux aux tables qui nous rappellent les chérubins dont les ailes se rejoignaient par-dessus l’arche de l’alliance. Notez aussi cette enceinte à ciel ouvert entourée de pierres, dans laquelle il était défendu aux mortels de pénétrer sous peine de mort. Celui qui y pénétrait était aussitôt lapidé. C’est la conception du Sinaï, que Moïse entoure d’une barrière, pour que le peuple ne risque pas de périr en s’approchant de Jéhovah. Le même usage se retrouve dans le sanctuaire qui occupait le sommet du Carmel, comme aussi dans le temple de Poséidon près de Mantinée, un Poséidon qui a, nous le verrons plus loin, de singulières attaches avec la Phénicie ; la stèle du temple, découverte par M. Clermont-Ganneau, nous a prouvé qu’il a été en vigueur jusqu’au temps d’Hérode dans le temple de Jérusalem.

L’origine étrangère du culte du Lycée ne ressort pas moins clairement des pratiques sanglantes dont il était entouré. On pourrait se demander si les termes assez enveloppés dont se sert Pausanias impliquent nécessairement l’horreur des sacrifices humains par lesquels on honorait Moloch en Phénicie, Melkart à Carthage ; le témoignage des auteurs anciens ne laisse aucun doute à ce sujet : « Pour nous, dit Platon, les sacrifices humains loin d’être une loi, sont une impiété ; pour les Carthaginois au contraire c’est un usage sacré. Et ne va point alléguer que seuls les barbares ont des lois si différentes des nôtres ; dans les fêtes du Lycée, les Hellènes font les mêmes sacrifices. » Ainsi donc du même coup Platon affirme la réalité des sacrifices humains du mont Lycée et leur affinité avec les pratiques religieuses des Carthaginois. Théophraste n’est pas moins catégorique : « Jusqu’à nos jours, dit-il, les Arcadiens dans leurs fêtes du Lycée et les