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dans ce Zeus Meilichios que nous retrouvons à Tégée, en pleine Arcadie, et à Sicyone, où il était adoré sous la forme d’une pyramide ; on peut suivre ses traces jusqu’en Attique, où Thésée lui immole des brigands, et jusqu’en Eubée, et c’est encore lui sans doute, qu’il faut reconnaître dans le dieu marin que Sanchoniathon appelle Diamichion ou mieux Dia Milichion, et qu’il identifie, comme le faisaient les Patréens, avec Héphaistos, la forme grecque de Phtah, le démiurge, le grand forgeron de l’univers et le prototype des Patèques phéniciens.

Le caractère profondément oriental de tous ces dieux de la Grèce antique nous fait comprendre certaines particularités, jusqu’à présent inexpliquées, du culte le plus célèbre de l’Elide, celui du Zeus Olympien. A Olympie comme à Jérusalem, l’accès du temple de Zeus était rigoureusement interdit aux femmes, qui ne pouvaient s’avancer que jusqu’à une certaine limite, la « barrière des femmes ». Mais elles avaient comme compensation certaines pratiques, singulièrement analogues à celles des pleureuses d’Adonie et de Thammouz, que les prophètes nous montrent se livrant à leurs lamentations jusque dans le temple de Jéhovah ; à un jour fixe, au moment où le soleil allait achever sa carrière, les femmes d’Olympie se frappaient la poitrine pour pleurer sur la mort d’Achille. Et ce n’étaient pas les seules ressemblances du temple d’Olympie avec celui de Jérusalem. Sans doute on voyait à Olympie la statue de Jupiter qui eût paru une profanation à Jérusalem ; mais on faisait à cette statue des onctions d’huile, usage qui paraissait étrange aux Grecs eux-mêmes, et le sanctuaire du dieu était fermé par un voile de laine, cadeau d’Antiochus, de fabrique assyrienne et teint de pourpre phénicienne, qui se repliait de haut en bas, comme le voile du temple de Jérusalem. Il est permis de se demander avec M. Clermont-Ganneau si ce voile ne serait par le propre voile du Temple, enlevé par Antiochus IV et offert par lui en trophée à Zeus olympien, dont il substitua le culte à celui de Jéhovah dans le temple de Jérusalem.

Les cultes de l’Attique ont en général un caractère plus doux et plus humain ; et pourtant on peut encore saisir le lien qui les rattache aux cultes de l’Arcadie et de la Béotie. En même temps que chez Lycaon en Arcadie, Zeus paraissait aussi chez Cécrops en Attique. Lycaon lui donna le nom de Lykaios, Cécrops celui d’Hypatos. Mais Cécrops et Lycaon n’avaient pas la même sagesse dans les choses des dieux. Cécrops ne voulut pas sacrifier d’être vivant, mais il fit brûler sur son autel des pains que les Athéniens appellent pelanoi, équivalent exact des « pains de proposition » qui figuraient sur la table de Jéhovah, et des gâteaux en forme de croissant qu’on offrait à la reine des cieux