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réclame avec vigueur contre les policiers de tout ordre et de tout grade : geôliers ignobles, sergens de ville qui puent le vin, agens pareils à des bandits, mouchards à mine patibulaire, et il flétrit en bloc les roussins, les cognes, les vaches et les flicques. Il leur reproche d’être sans élégance dans les manières. Le reproche est fondé, et il est en effet regrettable que les « mouchards » ne se recrutent pas parmi des personnes d’une éducation plus soignée. Nous avons tous été témoins de la brutalité avec laquelle ils malmènent parfois des passans inoffensifs. Il est pourtant des circonstances où nous trouvons que les « vaches » ont du bon. Le jour où les travailleurs organisent une manifestation pacifique, il ne nous déplaît pas de songer que par un surcroît de prudence les « cognes » ont pris des mesures d’ordre. Le promeneur attardé dans les rues du Paris nocturne préfère cent fois à la rencontre des souteneurs celle même des « flicques ». Et quand ils n’auraient pas d’autre emploi, les « roussins » serviraient encore à protéger les élus du peu pie contre leurs électeurs. Libre à M. Coppée, qui ne fait pas de politique active, de soupirer après la suppression des gendarmes. M. Jaurès, retour de Carmaux, souscrirait difficilement à une mesure aussi radicale.

Pour les gens de justice M. Coppée n’est guère plus tendre que pour les gens de police. Si M. le conseiller Lescuyer est d’humeur triste et d’aspect morose, M. Coppée s’élève contre la morgue « justiciarde ». Mais si M. le conseiller Durousseau fait des mots à l’audience, il blâme avec non moins de force ces gaietés déplacées. Le rôle de l’avocat-général chargé de réclamer l’application des lois lui semble abominable. C’est qu’il tient les lois elles-mêmes pour injustes et mauvaises, et il appelle spirituellement nos codes, des « recueils d’iniquités légales. » L’institution judiciaire lui apparaît dans son ensemble comme une machine compliquée dont l’objet est de tendre des pièges à l’innocence. Et il ne peut songer sans frémir à ce reste de barbarie qu’est la peine de mort, à cette lâcheté d’une société déployant un appareil formidable, mettant en ligne la force armée, le bourreau et ses aides contre un pauvre diable qui ne peut même pas se défendre ! Il y a dans ces réclamations bien du vrai. La justice se trompe souvent, car elle est rendue par des hommes sujets à l’erreur. Notre Code d’instruction criminelle est suranné, et les magistrats sont les premiers à en poursuivre la révision, obligés qu’ils sont trop souvent de laisser le coupable impuni, faute de pouvoir appliquer des peines disproportionnées. Les tribunaux ne rendent pas toujours à la société des membres en qui ils voient pour elle moins une parure qu’un danger. Et il serait à souhaiter que la charité évangélique pût s’étendre à toutes les fautes. Pour ce qui est de la peine de mort, il y a longtemps qu’on en discute la légitimité, et elle compte beaucoup d’adversaires. Mais on ne voit pas que M. Coppée leur fournisse d’argumens ni très nouveaux ni très