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élections à faire, on les fit le même jour et c’est pour cela qu’il échoua. Le paradoxe est facile à expliquer. Trois jeunes candidats, depuis peu d’années sortis de l’école, pouvaient prétendre à ces hautes fonctions. Chacun d’eux se serait effacé devant son ancien examinateur ; mais cette déférence ne l’empochait pas de désirer l’une des deux autres places, et les habitudes de l’école, en cela très raisonnables, ne permettaient pas de désigner, comme on fait à l’Académie française, celle à laquelle il prétendait. Comte eut donc trois concurrens ; tous les trois l’emportèrent sur lui. En présentant deux candidats pour chacune des places, le conseil, pour la première, présenta Auguste Comte en seconde ligne, et celui à qui il fit l’honneur, très peu désiré, de le placer avant lui, encourut tout particulièrement sa mauvaise humeur. Comte, dans une lettre rendue publique, parla du jeune candidat qu’il connaissait bien, ou pour mieux dire qu’il connaissait mal, et de son égoïsme précoce. C’était moi-même ; pourquoi le cacherais-je ? S’il avait su les démarches que j’ai faites près de mes amis du conseil et les témoignages apportés en faveur de sa candidature, il n’y aurait vu qu’une hypocrite comédie.

Une dernière disgrâce attrista les dernières années de Comte. Après lui avoir enlevé pour toujours les fonctions d’examinateur, dont les appointemens le faisaient vivre, on cessa, sans que rien l’y eût préparé, affirmait-il, de lui cou lier les fonctions de répétiteur, soumises, comme celles d’examinateur, à une réélection annuelle. Derniers efforts, disait-il, d’une haine qu’on croyait assouvie.

Cette fois encore, l’accusation est injuste. On aurait pu, et peut-être dû, le considérer comme un malade, et fermer les yeux sur les torts qu’il semblait accumuler à plaisir ; mais pour prendre le parti qu’on a pris, aucune malveillance n’était nécessaire.

Les fonctions de répétiteur imposent à celui qui les accepte trois séances de deux heures par semaine. Comte réduisait les siennes à une heure et demie. Amicalement averti par le directeur des études, il ne changea rien à ses habitudes ; et sur un nouvel avertissement, répondit verbalement ou par écrit, je l’ignore, que si ses jeunes collègues avaient besoin de deux heures pour interroger huit élèves, la rapide intuition des choses de l’esprit lui permettait de gagner cinq minutes sur chaque examen. « Ma note, ajoutait-il, vaut mieux que les leurs. » On n’obtint aucune concession.

Le professeur d’analyse faisait alors sept ou huit leçons sur le calcul des probabilités. Comte réprouvait cette branche de la science ; il n’en fait pas mention dans son Cours de philosophie positive. Ne pouvant interroger sur des propositions sophistiques