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le monde m’en demande ; et c’est ce qui arrive. J’écris à Paris des consolations pour des peines de natures bien différentes, et causées par des événemens bien divers. Il me semble quelquefois que j’aurais par ma présence empêché la mort des amis que je viens de perdre, et quelle puérilité à moi ! Qu’y aurais-je fait ?

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Je vous en prie, ne me faites pas les questions de tout le monde ; je me sens bien le courage de supporter ce qu’il y a de pénible dans ma vie, mais non de le raconter. Dites à une garde-malade de vous écrire sa vie d’une année, je la défie de ne pas succomber à cette tâche. — Dans les intervalles de mes angoisses, j’écris, et j’ai ici dans mon ermitage bien des volumes à imprimer quand la pauvre folle de France pourra se remettre à lire et à écouter. Je ne suis point pressé de publier, et j’écris toujours ; mais le public n’a pas besoin qu’on lui donne régulièrement des morceaux de papier imprimés, et je n’aime pas les écrivains qui se mettent en coupe réglée comme un bois de chêne. — On m’envoie en ce moment les épreuves (vous savez ce que c’est que cela ? ) de la dixième édition de Cinq-Mars et de Stello et des autres volumes qu’on réimprime et qui étaient épuisés totalement ; cela me dérange un peu des choses nouvelles que j’écris et prépare quand je puis penser à mes idées et regarder un peu dans ma tête pour savoir ce qui s’y passe.

Je vous ai quittée un moment pour aller voir Lydia, dont la fièvre ne diminue pas. Je vais rester auprès d’elle une partie de la nuit, puis la garde-malade, puis sa femme de chambre jusqu’au jour.

Bonsoir. Priez un peu pour nous.


XII


Au Maine-Giraud, lundi 15 juin 1852.

Gaétan rêve, Gaétan est très assurément somnambule, et je vous charge de lui dire que c’est sa léthargie qui le fait parler ainsi. Je ne le savais pas si malade, vraiment, et cela m’afflige. Je voudrais bien qu’il me dît de quelles cartes de visites on lui a parlé, et qui les a reçues à Paris pendant que je suis ici ? C’est moi, ma chère Alexandrine, qui reçois à la campagne, dans des boîtes régulièrement envoyées, les livres, les lettres et jusqu’aux cartes de visite qu’on laisse à ma porte parisienne. Parmi