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l’Amérique du siècle dernier ; c’est une poussière d’hommes dont a disparu le respect qui est le ciment des sociétés. Il est bien difficile de fonder un édifice solide avec de pareils matériaux. La fédération finira sans doute par se faire tout de même, par la force des choses, comme on dit, à la longue, sur un plan peu cohérent. Il est juste de reconnaître que deux des causes qui l’empêchaient, la rivalité de la Nouvelle-Galles et de Victoria et le protectionnisme à outrance tendent à s’affaiblir. La Nouvelle-Galles, la colonie mère, dont les ressources naturelles sont plus grandes, prend de plus en plus le dessus sur sa voisine, qui ne peut se relever de la crise où l’ont conduite ses folies. L’esprit de Victoria, qui avait été le centre directeur de l’Australie de 1851 à 1892, ne représentait point ce qu’il y avait de meilleur, ni de plus calme dans les tendances des colons des antipodes ; elle était à la tête du mouvement protectionniste. Aujourd’hui que l’influence s’est déplacée vers l’est, vers Sydney, et que le Queensland aussi croît rapidement, la question douanière, l’un des plus grands obstacles à l’Union, semble être d’une solution plus facile. Voilà donc quelques chances favorables à l’accomplissement de ce grand projet, qui serait si utile aux progrès de l’Australie, ne fût-ce qu’en élargissant son marché commercial et l’horizon de ses hommes politiques.

De la situation politique de l’Afrique du Sud, nous ne dirons que quelques mots : les événemens qui se sont produits au début de cette année l’ont rendue suffisamment connue de tous. Des deux colonies britanniques qui se trouvent dans cette contrée, Tune est absolument prépondérante par l’étendue de son territoire et l’importance de sa population. Le Cap compte 2 millions d’habitans, dont 380 000 blancs ; Natal 600 000, dont 43 000 blancs seulement. Le premier de ces pays est le seul qui puisse s’étendre vers le nord, et le protectorat du Bechuanaland lui sera annexé un jour, portant ses frontières jusque près du Zambèze. Sur les rives de ce fleuve, l’Afrique centrale britannique et au sud-est les plateaux désignés aujourd’hui sous le nom de Rhodesia sont le domaine de la célèbre compagnie à charte. Bien peu peuplés encore, ils ont avec la colonie du Cap une sorte d’union personnelle, puisque son gouverneur, Haut-Commissaire de l’Afrique australe britannique, y exerce les pouvoirs militaires. Il y a peu de temps encore cette union était plus étroite, lorsque M. Cecil Rhodes était le vrai maître des deux pays, comme premier ministre au Cap, comme administrateur délégué dans les territoires de la