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certainement pour une part dans la force de ce loyalisme. La plupart des colons de l’Australie ou du Cap, ou leurs pères ont quitté l’Angleterre lorsque la reine Victoria y régnait déjà ; ils lui sont attachés personnellement pour ainsi dire. Peut-être le prestige de ses successeurs ne sera-t-il pas aussi grand dans les colonies, non pas encore du vivant de celui qui est aujourd’hui le prince de Galles et jouit dans tout l’Empire, comme en Angleterre même, d’une immense popularité, mais sous le règne de son fils, beaucoup plus inconnu. Quoi qu’il en soit d’un avenir assez éloigné, on ne saurait nier qu’actuellement le loyalisme ne soit très puissant aux colonies.

Ce sont leurs intérêts plus encore que leurs sentimens qui doivent toutefois les maintenir unies à l’Angleterre. Sous le sceptre de la reine Victoria, elles jouissent pour leurs affaires intérieures d’une liberté aussi complète que si elles étaient des républiques indépendantes, elles sont maîtresses même de leurs tarifs douaniers, et, d’autre part, elles profitent de la puissance maritime de la Grande-Bretagne, qui leur assure, sans frais de leur part, une sécurité extérieure bien plus complète que celle qu’elles pourraient obtenir par de coûteux armements si elles étaient livrées à elles-mêmes. Lorsqu’une question internationale intéresse ses colonies plus qu’elle-même, la Grande-Bretagne s’informe toujours soigneusement de leur opinion et de leurs intérêts, y conforme sa politique et leur communique ainsi tout le prestige de sa puissance. En échange de ces avantages elle n’exige rien : la participation des colonies à la défense de l’Empire se borne à l’entretien de quelques fortifications en deux ou trois points importans de chacune d’elles. En outre l’Australasie entretient, au prix de 3 125 000 francs par an, une escadre auxiliaire composée de cinq croiseurs de troisième classe et de deux torpilleurs, commandés par un amiral anglais, et qui est jalousement maintenue par la loi dans les mers australasiennes. Chaque colonie possède aussi des milices, troupes qui s’exercent quelques jours par an et comprennent, d’ailleurs, nombre de bons tireurs et de bons cavaliers, qui ne seraient pas négligeables, après quelques semaines d’entraînement, pour la défense territoriale, et dont certaines — les « voyageurs » canadiens et les cavaliers de la Nouvelle-Galles — ont même été parader sur le Nil à côté des régimens anglais. Mais la vraie défense de l’Empire c’est sa flotte, c’est-à-dire la flotte anglaise que la métropole entretient seule.