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physique de son éloquence, tous ceux qui l’ont ‘applaudi ou qui l’ont hué. Dans cette réunion qu’avait convoquée Stoecker, le socialiste Most, énergumène d’irréligion, traita Stoecker en intrus ; il s’exclama, avec la grossièreté d’un Diderot, que les prêtres, qui boivent le vin et conseillent l’eau, n’avaient plus qu’à régler leurs comptes avec le ciel, et que l’univers en serait bientôt nettoyé. M. Stoecker s’en retourna sans soldats, comme il était venu. Mais prêche-t-on jamais dans le désert, et, par là même qu’on parle et qu’on agit, ne déplace-t-on pas quelques ondes dans le remous de la vie publique ? Stoecker en fit bientôt la féconde expérience. Soir par soir, avec de rares amis, il promenait son évangile à travers les pires auditoires ; et son principal collaborateur, le missionnaire Wangemann, était accueilli, dans une réunion de femmes socialistes, par cette clameur générale : « Massenaustritt ans der Kirche ! Sortons en masse de l’Eglise ! » Cependant dès le 18 janvier quatre cents travailleurs étaient venus à Stoecker, et par conséquent à l’Église évangélique ; ils étaient mille en juin, trois mille à la fin de l’année, et la Zukunft, organe socialiste, commençait d’expliquer que si certains chefs du parti révolutionnaire professaient l’athéisme, le parti lui-même, sans irrespect et sans esprit sectaire, se bornait à réputer la religion chose privée.

Le résultat récompensait l’effort ; et comme il le fallait poursuivre et préciser, M. Adolphe Wagner apporta son concours. Partageant son temps entre les travaux théoriques que Todt continuait d’inspirer et la collaboration active que Stoecker commençait à requérir, il aida le prédicateur de la cour à rédiger le programme du parti chrétien-social de travailleurs. C’est à l’Etat surtout que ce programme s’adressa. Sous la rubrique : « organisation », il réclamait l’obligation de la corporation professionnelle, de l’arbitrage et de l’assurance ; sous la rubrique « protection ouvrière », il inscrivait le repos du dimanche, la suppression du travail des femmes et des enfans dans les fabriques, l’inspection hygiénique des ateliers, le rétablissement des lois sur l’usure, et l’acheminement vers une législation internationale du travail ; et sous la rubrique « impôts » figuraient la progressivité de la taxe sur le revenu et des droits de succession, et la création d’un impôt sur les opérations de bourse. Le titre du parti, le contenu du programme, les premières manifestations électorales qu’on risqua, et dans lesquelles on ne craignit point, à Berlin par exemple, d’opposer des candidats ouvriers aux candidats