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car ce sont plutôt les vieux chrétiens-sociaux qui semblent avoir succombé, entraînés d’ailleurs dans la ruine de M. Stoecker.

L’année 1895 avait été mauvaise pour l’ancien prédicateur de la cour. M. de Hammerstein, signataire avec M. Stoecker de plusieurs projets de loi sur l’indépendance de l’Eglise évangélique achevait de perdre sa grosse fortune ; la considération baissant autour de lui, on finit par dire tout haut qu’il avait aussi perdu son honneur ; il s’en aperçut lui-même, après tout le monde ; d’une fuite rapide, il échangea son cabinet de la Gazette de la Croix contre une villégiature de contumace aux alentours du Parthénon, puis fut transporté de cette villégiature dans la prison de Moabit ; chevau-léger de la religion et des bonnes mœurs, on le condamna pour escroqueries ; on découvrit qu’il avait poussé l’enthousiasme pour la sainte institution de la famille jusqu’à entretenir deux ménages, et que son antisémitisme avait des tempéramens imprévus, puisque l’un de ses foyers, l’illégitime, était occupé par une fille de Sem. Et la foule des députés conservateurs, comme pour oublier qu’ils avaient été les amis de M. de Hammerstein, se mirent à rougir de M. Stoecker, qui avait été son intime collaborateur. Ils estimaient, d’ailleurs, que le journal le Volk, fondé en 1889 par le prédicateur de la cour, était devenu trop indulgent aux ardeurs des « jeunes » ; et par réaction la Correspondance conservatrice publia contre les « jeunes » une violente philippique, que M. Naumann qualifia d’hypocrisie, et que M. Stoecker à son tour critiqua, tout en blâmant la virulente appréciation de M. Naumann. On cherchait, on trouvait, et l’on créait à profusion, des occasions de se brouiller : à la fin, en janvier 1896, le comité directeur du parti conservateur, en prétextant l’attitude du Volk, usa de chicane pour contraindre M. Stoecker à quitter le groupe. « Je reste conservateur », écrivait l’entêté pasteur au lendemain de sa sortie ; et le programme qu’il soumit à Francfort, en février 1896, à un certain nombre de ses amis chrétiens-sociaux, en est en effet le témoignage. M. Stoecker a l’obstination vraiment superbe de répondre aux infidélités, même mesquines, par une fidélité, même inopportune. Son enlizement dans le parti conservateur avait diminué son rôle social ; dégagé par une expulsion, il voulut rester enlizé.

Au moment même où ces amis politiques auxquels il avait tant sacrifié avaient commencé de balbutier contre lui les paroles du reniement, une mésaventure abominable exposait M. Stoecker au piétinement sauvage de ses anciens adversaires, et même aux