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POÉSIE


Tous ceux qu’un signe au front marque pour être rois,
Pâles s’en vont errer sous vos sombres portiques,
Et, frissonnant au bruit des rameaux prophétiques,
Écoutent dans la nuit parler de grandes voix.

Tous ceux que visita la Douleur solennelle,
Et que n’émeuvent plus les soirs ni les matins,
Rêvent de s’enfoncer au cœur des vieux sapins,
Et de coucher leur vie à leur ombre éternelle.

Salut à vous, grands bois à la cime sonore,
Vous où, la nuit, s’atteste une divinité,
Vous qu’un frisson parcourt sous le ciel argenté,
En entendant hennir les chevaux de l’Aurore.

Salut à vous, grands bois profonds et gémissants,
Fils très bons et très doux et très beaux de la Terre,
Vous par qui le vieux cœur humain se régénère,
Ivre de croire encore à ses instincts puissants :

Hêtres, charmes, bouleaux, vieux troncs couverts d’écailles,
Piliers géants tordant des hydres à vos pieds,
Vous qui tentez la foudre avec vos fronts altiers,
Chênes de cinq cents ans tout labourés d’entailles,

Vivez toujours puissants et toujours rajeunis ;
Déployez vos rameaux, accroissez votre écorce
Et versez-nous la paix, la sagesse et la force,
Grands ancêtres par qui les hommes sont bénis.

III

LA PEAU DE BÊTE

Sous le premier péché courbant son front maudit,
Adam, sur qui pesait la Main toute-puissante,
Avec Ève, à son bras défaite et languissante,
S’éloignait à pas lents du Jardin interdit.