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un maître des cérémonies ; car, par un trait de cette courtoisie déférante à laquelle nos hôtes nous ont habitués, la place marquée pour les officiers étrangers est la même que pour les personnages russes du plus haut rang.

La salle Saint-Alexandre paraît plus sombre, peut-être à cause du faux jour qui vient des quatorze fenêtres de la terrasse ; mais la salle du Trône, tendue de bleu clair, couleur de Saint-André, s’ouvre profonde, splendide et vraiment impériale. La voûte s’appuie sur des pylônes énormes ; au fond, les trois trônes que recouvre le baldaquin d’hermine aux plis droits, paraissent, plus haut que les têtes, élevés sur sept degrés. Les régales font une brèche dans la masse des invités, car le cérémonial interdit qu’on tourne le dos à ces insignes sacrés ; en face, un peloton des grenadiers attend, reposé sur les armes ; un groupe de demoiselles d’honneur, plus à droite encore, se tient près de la porte par laquelle Leurs Majestés paraîtront.

Un air doux, qui souffle par les baies ouvertes, attire vers la terrasse ; dehors, c’est la surprenante tiédeur de ce printemps subit, presque un été ; les lampes jetées autour des maisons en longues guirlandes luttent contre un ciel verdâtre et défaillant. Une heure vaine se passe là en propos de cour, en contemplation vague ; puis le bruit des cannes avertit de se ranger.

À l’instant où l’Empereur entre, donnant le bras à l’Impératrice, les grenadiers présentent l’arme ; la fanfare des Cosaques du convoi, placée à l’autre bout de la salle, commence la polonaise fameuse de la Vie pour le Tsar. Une suite auguste de souverains et de souveraines s’éloigne aux sons de cet air rythmique et léger. Elle franchit la porte, et la musique passe avec elle du premier orchestre qui se tait au second qui poursuit sur la mesure même où l’autre s’est arrêté. Sept allées et sept venues font apparaître et disparaître le cortège ; chaque fois les couples se sont reformés dans un ordre nouveau.

Les salles qui se vident avec lenteur dès que l’Empereur s’est retiré laissent le temps d’admirer, exposés sur de longues tables, les plats et les salières d’or, d’argent, d’émail, les images, tous les présens envoyés par les villes, les provinces, les corporations. Partout la matière, ou le procédé, ou quelque emblème caractérise le coin de Russie, le groupe ouvrier d’où cette offrande fut adressée au souverain. Mais, le plus touchant, c’est de lire ici la réponse du peuple aux milosti du tsar et comme un échange