Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/423

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES JEUNES CRIMINELS
L'ECOLE ET LA PRESSE

Sans aller jusqu’à dire avec Quételet que la société établit elle-même le budget du crime, comme elle établit celui de ses impôts et de ses dépenses, il faut pourtant convenir que la responsabilité remonte souvent à la collectivité ; et nous croyons que c’est le cas actuel en France, surtout quand il s’agit des enfans et des jeunes gens. Le crime est une vague avancée qui bondit plus loin que les autres et vous engloutit ; la perturbation générale des idées et sentimens est le flux montant d’où elle s’élance et tire sa force. Comme le progrès de la criminalité juvénile s’est accéléré pendant la période même où l’instruction, devenue obligatoire, se répandait dans le peuple, on n’a pas manqué d’attribuer à l’école l’accroissement de la démoralisation : « Les jours qui suivent, disait Pindare, voilà les témoins les plus sûrs. » D’autre part, comme le principal résultat de l’instruction généralisée a été l’universelle diffusion des journaux et des romans, il est clair que la presse doit avoir aussi, en cette question, sa part de responsabilité. Il y a donc là un problème dont on ne saurait méconnaître l’importance à la fois philosophique et pratique.


I

Depuis 1881, année qui précède l’instruction obligatoire, le nombre des prévenus jugés par les tribunaux correctionnels s’est élevé de 210 000 à 240 000 environ. Depuis 1889, les meurtres ont passé de 156 à 189, les assassinats de 195 à 218, les viols et