Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/561

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’autres noms, d’autres chiffres : souscription à l’emprunt de 400 millions pour les dépenses de la guerre de Cuba ; toutes ces grosses rubriques appellent l’attention sur les Philippines et Cuba. Le dimanche matin, on s’arrache les numéros exceptionnels du Liberal, consacrés, avec des illustrations rapides, une semaine à l’armée, une autre semaine à la marine, une autre, à un autre sujet militaire ou patriotique, toujours à l’unique question, à Cuba. Prose, poésie, images, décrivent, chantent, représentent Cuba. Ces états de service complaisamment rappelés, ces portraits sont les états de service et les portraits des généraux qui commandent à Cuba. Au bas de la Calle Mayor, à la porte d’un café il ne se peut plus populaire, est installé un marchand de chansons ; approchez-vous de son étalage et lisez : La guerra de Cuba, — Dialogo entre España y Cuba

Des militaires passent, en pantalon de coutil rayé de blanc et de bleu, dans les rues glacées en décembre par le vent du Guadarrama : on les regarde et on les montre : Soldados para Cuba. Ils sont 20 000 qui vont partir et, s’il le faut, ce ne sont pas les derniers qui partiront. Cet escadron qui va à la manœuvre, cette batterie d’artillerie qui rentre au quartier n’ont que de très jeunes lieutenans et de très vieux capitaines : lieutenans de dix-huit ans, capitaines de cinquante. Où sont les autres ? À Cuba, Ainsi, ce qu’on voit à Madrid et ce qu’on n’y voit pas, présences, absences et départs, à toute minute et en tout lieu, rappellent Cuba.

Dans la presse, dans les tertulias, parmi les groupes qui cherchent un rayon de soleil le long des maisons de la Puerta del Sol, un seul motif, un seul thème, Cuba. Longs discours et vives apostrophes ; ni l’éloquence, ni la polémique ne chôment, mais ce sont les plans de campagne, le mérite et le « prestige » des chefs qui en font tous les frais, — et s’il vaut mieux, « l’action militaire » seule que « l’action militaire, politique et diplomatique » combinées. Peut-être est-ce la faute de la saison ? il semble que les plus illustres joueurs de pelota et les plus fameux toreros eux-mêmes aient déchu dans l’estime et la curiosité publiques : et, si la loterie ne cesse pas d’intéresser, il semble pourtant qu’on se presse moins de courir après la messagère de fortune et que les plus déshérités dépouillent moins avidement la lista grande.

De telle sorte et à tel point que ce qu’il y a maintenant de plus espagnol en Espagne, les véritables choses d’Espagne, ce sont les choses de Cuba. Dans la salle du conseil, à la Présidence, trois