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comme appoint dans les affaires d’Orient, avait conquis le droit de faire entendre sa voix et même de l’imposer dans une certaine mesure. M. de Bismarck la représentait au congrès ; peu enclin à ménager les faibles, il ne se montra pas disposé à faire état d’un empire vermoulu ; il jugea au contraire qu’il était plus opportun de ne pas attendre son entière ruine pour en bénéficier. On sait qu’il a été, dans une pensée intéressée, le promoteur des avantages faits à l’Autriche qui, pour prix de ses bienfaits, noua, l’année suivante, une étroite alliance avec l’Allemagne.


IV

Voilà comment les puissances ont concerté leurs rapports à l’égard de la Turquie sur le terrain international. Comment ont-elles procédé dans leurs relations particulières avec la Porte ? Celles d’entre elles qui désirent prévenir ou éloigner la chute de l’empire ottoman, éventualité qu’elles redoutent pour la paix générale, convaincues qu’on ne peut la conjurer qu’à l’aide de réformes radicales, les ont instamment suggérées aux conseillers du sultan. Leurs efforts datent du règne de Mahmoud.

Ce prince, esprit sans culture, mais sagace et ferme, en comprit la sagesse et l’opportunité ; il eut la vision des périls que courait son empire ; il se persuada que les infortunes de la Turquie procédaient des imperfections qui viciaient tous les services administratifs. Ayant la conviction qu’il ne saurait rien amender sans avoir dans la main une force solide et dévouée, il consacra ses premiers soins à constituer une armée organisée sur des bases empruntées au régime européen. Avant lui les troupes turques se formaient à l’aide de la corporation des janissaires, corporation indisciplinée, toute-puissante à Constantinople et dans les provinces, qui avait, dans plus d’une occasion, disposé du sort des sultans. Il jugea qu’elle serait un obstacle à ses desseins, et bien qu’il lui dût son avènement au trône, il résolut de détruire cette oligarchie insubordonnée et pillarde, à l’imitation de Mehemet-Ali qui avait, par un massacre, anéanti les Mameloucks, ces feudataires étrangers dont il eût été la victime s’il ne les eût prévenus. Grâce à sa fermeté, le sultan Mahmoud accomplit cette tache sanguinaire qui lui permit d’entreprendre et d’achever son œuvre ; la Turquie lui doit l’armée dont elle dispose aujourd’hui.

L’organisation militaire qu’il a inaugurée n’a donc pas été stérile. Son œuvre administrative et sociale, qui présentait de