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1868 ; les émissions de bons et billets du Trésor, en 1872 et 1874 ; les emprunts de 1875 et de 1876 ; l’émission de billets de la Banque espagnole pour le compte des Finances et l’affectation hypothécaire des rentes de l’île pour garantir des émissions, telles que celle des obligations du Trésor en 1878 ; tout cela, durant la guerre ; et, après la guerre, mais à cause d’elle, et pour en liquider les frais, les émissions de 1882, refondues avec les emprunts et unifiées dans les billets hypothécaires émis, en 1886, à concurrence de 620 millions et, en 1890, à concurrence de 222 500 000 pesetas[1]. Le poids en est lourd, certainement, mais les Cubains l’ont mis eux-mêmes sur leurs épaules.

Maintenant, quand ils prétendent que l’Espagne les « écrase », est-ce seulement de contributions qu’ils veulent dire (à tort, ripostent les Espagnols, car Cuba paye beaucoup moins que la métropole) ? N’entendent-ils pas autre chose ? et ne font-ils pas le procès de la politique traditionnelle de l’Espagne dans ses colonies ? S’il en est ainsi, et même si cette accusation revêt un caractère rétrospectif, si les Cubains incriminent ce qui s’est fait autrefois bien plus que ce qui se ferait encore, même sur ce point, même dans le passé et dans l’histoire, les Espagnols n’acceptent pas la flétrissure sans se défendre. Ils ne tiennent, à coup sûr, pour des saints, ni Cortez, ni Pizarre, ni leurs compagnons ou leurs successeurs. Ils ne contestent pas que, s’ils ont évangélisé l’Amérique, c’est autant avec l’épée qu’avec la croix, autant avec des reîtres qu’avec des prêtres. Mais ils n’admettent point que la politique coloniale de l’Espagne ait été, comme on l’en blâme, froidement et systématiquement cruelle, et ils invoquent en sa faveur les instructions que donnait Philippe II à don Pedro de la Gasca, vice-roi du Pérou[2] ; puis, par déduction a fortiori : si Philippe II n’a pas suivi envers les colonies cette politique sans miséricorde, à combien plus forte raison Charles III, ou Isabelle II, ou Alphonse XII ne se sont-ils pas gardés de la suivre ? Depuis que les affaires de Cuba occupent la tribune des Cortès, toutes les opinions se sont fait jour en des discussions ardentes : mais on ne sache pas qu’il soit personne qui n’ait vanté la générosité, la caballeria espagnole, qui n’ait recommandé le pardon, l’oubli des injures, et, après la victoire, la réconciliation dans le plus de liberté possible : si bien qu’il faudrait un cynisme éhonté pour oser mettre

  1. España y Cuba, publication officieuse, p. 110-111.
  2. Don J.-B. Casas, la Guerra separatista de Cuba.