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14 juillet 1896, qui a contribué à déchaîner la guerre ? C’est le général Calleja, qui a suivi une politique en vertu de laquelle on fermait les fenêtres de la capitainerie générale, lorsque passait devant le palais le parti de l’Union constitutionnelle criant : Vive l’Espagne ! et on les rouvrait quand passaient des manifestations autonomistes, au cri de : Viva Cuba libre ! Le général Calleja qui, étant en tournée dans l’île, recevait des cartes de visite timbrées de l’étoile solitaire ; qui, dans les provinces orientales, plaçait sa confiance en ce M. Yero dont je viens de vous lire les lettres ; qui, si les commandans militaires de Holguin ou de Bayamo lui signalaient un mouvement, en informait le gouverneur civil, lequel en informait M. Yero, et M. Yero, par délégation d’autorité, se mettait à parcourir les villages et revenait dire au gouverneur civil qu’il n’y avait rien ! M. le général Calleja qui avait pour médecin le docteur Antiga, supportant sans colère que ce médecin lui parlât de séparation, à lui gouverneur général, et lui faisant seulement promettre de ne point passer à l’insurrection, tant que lui, général Calleja, serait à la Havane ! » — Et après lui, général Calleja ? Après lui, le déluge : il en regardait placidement monter les eaux et écrivait à Madrid : Tout est calme !

Aussi, que faisait-on, à Madrid ? On y discutait des questions que l’on ne peut agiter que dans les temps très calmes : on s’y occupait de réformes pour Puerto Rico et Cuba. Les conservateurs avaient commencé, en 1891, avec M. Romero Robledo, qui désormais divisait l’île en six provinces, ayant chacune un gouverneur nommé par le ministre des colonies, rattaché à ce ministère, et par là, placé à la fois sous l’autorité et hors de l’autorité du gouverneur général… Puis les libéraux étaient revenus, et cette espèce de surenchère de réformes qui, dans le régime parlementaire, apparaît comme l’une des raisons d’être des partis, avait incontinent « sorti son plein effet. »

Il y avait dans le camp libéral un jeune avocat, de talent et bien apparenté, beau-frère de M. Gamazo, l’un des gros bonnets du parti, et qui s’appelait M. Maura. Depuis plusieurs années, il était désigné pour un ministère : pour lequel ? on n’en savait rien, mais — ces choses-là ne se voient-elles qu’en Espagne ? — bon pour tous, on se flattait qu’il serait meilleur pour un, que ce fût d’ailleurs l’un ou l’autre. On lui donna les colonies, qu’il ignorait ingénument : « Je suis, disait-il, un ministre en blanc, — en blanco ! » Six mois après, il déposait un projet de loi qui bouleversait