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d’espérance et les paroles d’amour jadis prononcées ici même, nous dit-il, sont mortes aujourd’hui presque autant que le rivage de cette mer. » Mortes, oui : mais un miracle ne pouvait-il pas les ressusciter ?


III

C’est ce que s’était demandé, il y a dix ans déjà, un artiste de grand cœur et de grand talent, le peintre James Tissot ; et il avait résolu, lui aussi, d’aller en Palestine à la recherche du Christ, mais en se promettant d’avance de ne pas le « laisser fuir » s’il avait le bonheur de le retrouver. Et il l’a retrouvé, il le croit du moins. À force d’interroger pieusement les lieux qui avaient été témoins de l’existence terrestre du Sauveur, les rues où, enfant, il s’était promené, les collines où il avait prêché sa bonne nouvelle, et le lac où il s’était fait « pêcheur d’hommes », à force de lire l’Evangile à la place même où il avait été vécu, puis écrit, il a vu celui que nous cherchons tous surgir devant lui, dans sa double réalité humaine et divine, tel qu’il était apparu jadis aux yeux naïfs de ses compagnons. Mais écoutons-le plutôt nous raconter lui-même sa miraculeuse aventure :

« Attiré par la figure divine de Jésus et les scènes si attachantes de l’Evangile, je me décidai à partir pour la Palestine, à la visiter en pèlerin recueilli. Toute œuvre, quelle qu’elle soit, a son idéal : le mien a été la vérité, la vérité dans la vie du Christ. Il a fallu m’identifier le plus que j’ai pu aux Evangiles, les relire cent fois ; et en vérité c’est bien là, sur les lieux où se sont déroulées toutes ces sublimes scènes, qu’on se sent plus apte à en saisir toutes les impressions. Ainsi parfois, dans tel sentier parcouru fréquemment par le Christ, sentant mes yeux refléter le même paysage qu’avaient reflété les siens, je croyais voir certaine sensibilité s’exalter en moi et aviver de telle sorte mon intuition, que la scène évoquée se représentait à mon esprit d’une façon particulière et frappante. De même quand, pénétré de l’esprit de la race à laquelle appartenaient mes personnages, du caractère des lieux où ils devaient se mouvoir, de la couleur des choses qui leur étaient familières ; quand, affecté ainsi, je méditais tel sujet dans son propre sanctuaire, mes idées, mises au point par l’exactitude du cadre, me révélaient dans toute leur idéalité, et sous forme d’images saisissantes, les faits que j’avais voulu