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la librairie Mame. Depuis la vision de Zacharie jusqu’au dernier voyage à Jérusalem (car c’est là que s’arrête le premier volume) nous suivons pas à pas le récit des évangélistes, que M. Tissot a pris la peine de traduire lui-même en français. Le texte et l’image marchent de front : il n’y a pour ainsi dire pas une ligne du texte dont nous n’ayons dans l’image une interprétation vivante. Œuvre vraiment gigantesque, mais en même temps si sincère, si pieuse, si évidemment destinée à notre édification, que c’est à peine si nous avons le loisir d’en admirer la valeur artistique. Jésus, dès la première page, nous y occupe tout entiers. Nous n’avons d’autre pensée que de reconnaître sa trace divine, de lire dans ses yeux et d’entendre sa voix.

Nous le cherchons au travers du livre, avec la même inquiète ferveur qu’a mise l’auteur à le chercher sur les collines de Galilée et parmi les vieilles pierres de Jérusalem. Et aussi bien M. Tissot n a-t-il rien négligé de ce qui pouvait nous aider à le retrouver. Non content de nous donner, en marge de ses peintures, le texte de l’Evangile en latin et en français, il a encore recueilli, à notre intention, les documens les plus divers, vues de villes et de villages, plans, dessins de chapiteaux, de vases, d’ornemens sacrés, tout cela accompagné d’explications et de commentaires. Il a voulu, à la fois, nous restituer directement sa vision de la vie du Christ, et nous fournir en quelque sorte les moyens de la compléter, ou de la modifier au besoin pour l’usage de chacun de nous. C’est, comme le disait M. Lafenestre, « la plus complète tentative qu’on ait faite pour rajeunir l’iconographie chrétienne » ; mais plutôt encore c’est une tentative pour nous rendre l’antique foi chrétienne, pour raviver dans nos âmes, par l’entremise de nos sens et de notre raison, la divine présence du Consolateur.

Aussi M. Tissot nous pardonnera-t-il de n’avoir pas insisté autant qu’il aurait convenu sur les précieuses qualités d’artiste, et même d’écrivain, qu’il a employées à ce noble objet. Nos lecteurs, au surplus, ne peuvent avoir oublié son exposition de 1894; ils ont gardé devant les yeux ces délicieuses peintures, si simples et si variées, alliant un scrupuleux réalisme à une émotion recueillie et poignante. Ajoutons seulement que leur reproduction, dans ce premier volume, est elle-même un chef-d’œuvre de haute maîtrise artistique. Dédaignant les procédés habituels de la chromolithographie et de la chromotypographie, les éditeurs ont eu recours à des procédés nouveaux, qui leur ont permis de