Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/712

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

actuelle de l’Empire ottoman l’objet de délibérations spéciales entre leurs représentans à Constantinople. Les conférences que les six ambassadeurs ont été chargées de tenir suivent leur cours. » Il n’y a là, évidemment, qu’un cadre à remplir, et c’est ailleurs qu’il faut chercher le tableau. On n’a pas eu besoin de le chercher longtemps : dès la première séance de la Chambre des lords, le marquis de Salisbury en a présenté une première esquisse, à la vérité assez sommaire, mais qui devait être bientôt complétée par la publication annoncée d’un ou de plusieurs Livres Bleus. Il donnait à sa manière le sens général de ces documens qui témoignaient de l’accord de toutes les puissances sur la nécessité d’agir de concert et de trouver des remèdes pour sauver l’Empire ottoman dont l’existence était compromise. Peut-être, disait-il en outre, aura-t-on recours à des moyens coercitifs ; mais les termes dans lesquels les puissances ont exprimé leurs vues à ce sujet présentent de légères différences de rédaction, et on ne peut pas déclarer que toutes se soient engagées à exercer une pression. Lord Salisbury possède à un rare degré, lorsqu’il lui plaît de l’exercer, l’art de faire entendre beaucoup de choses en peu de mots. Le but qu’il assigne à l’action des puissances est ici parfaitement déterminé : il s’agit de sauver l’empire du sultan qui est en péril. Comment le sauver ? Par des réformes sans doute ; toutefois lord Salisbury n’en parle pas ; il les sous-enlend. En revanche, il fait une allusion très directe aux moyens coercitifs qu’il faudra vraisemblablement employer, mais c’est pour ajouter aussitôt que toutes les puissances n’ont pas été pas absolument d’accord sur ces moyens. De telles paroles devaient augmenter une curiosité déjà très éveillée. On a attendu le Livre Bleu avec un redoublement d’impatience.

Il a paru. On y a trouvé, comme point de départ de tout ce qui est venu ensuite, une circulaire que lord Salisbury a adressée aux Puissances en date du 20 octobre dernier. Ce document, très important en lui-même, le devenait plus encore par le fait qu’il y était question d’une entente préalable établie, dès le 23 septembre, avec le gouvernement austro-hongrois. Lord Salisbury avait jugé à propos de doubler sa propre autorité de celle qui, dans le concert européen, appartient au comte Goluchowski. La pensée se reportait aussitôt à des souvenirs récens. Le comte Goluchowski, parmi les ministres européens, avait, en toutes circonstances, paru le plus disposé à recourir à des mesures d’exécution. Un jour il avait proposé de forcer les Dardanelles, un autre de bloquer la Crète et les côtes de la Grèce. Enfin le ministre des Affaires étrangères du sage et pacifique François-Joseph avait cons-