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lui-même à la Chambre des députés peu de jours auparavant. Ce discours permettait de croire que, si une initiative avait été prise au sujet des affaires d’Orient, c’était par la France et par la Russie, à la suite des conversations de l’empereur Nicolas et de M. Chichkine avec notre ministre des Affaires étrangères. Il semblait résulter du langage tenu par celui-ci que tout un plan de conduite avait été arrêté à ce moment, préparé dans tous ses détails, et que l’exécution en était sur le point de commencer. On croyait même généralement que le cas où le sultan montrerait de la mauvaise volonté avait été prévu comme il devait l’être, et que les deux puissances s’étaient occupées d’avance de ce qu’il y aurait à faire dans cette hypothèse. Ce qui s’est passé par la suite montre qu’on s’était un peu mépris, sinon sur le sens même des paroles de M. Hanotaux, au moins sur l’intention immédiate dans laquelle il les avait prononcées. Tout porte à croire qu’il avait voulu prendre publiquement position, dès le lendemain de l’ouverture faite par lord Salisbury, exposer sa propre politique à la Chambre et la faire approuver par elle, dans l’espoir qu’un vote parlementaire lui donnerait une force et une autorité plus grandes au cours des négociations ultérieures. S’il a fait ce raisonnement, il ne s’est d’ailleurs pas trompé. L’approbation et la confiance de la Chambre ne lui ont pas fait défaut. LordSalisbury a dû naturellement tenir grand compte d’une manifestation dont le sens était aussi irrécusable. Lorsqu’on relit aujourd’hui sa harangue au banquet du lord maire, on en comprend mieux certains passages. Après avoir parlé du discours de M. Hanotaux et de l’impression favorable qu’il en avait éprouvée : « Je suis d’accord avec lui, a-t-il dit, dans ses lignes générales. M. Hanotaux a précisé d’une façon très juste l’action européenne au sujet de l’Empire ottoman, et je ne vois rien dans l’attitude de la France qui puisse empêcher le concert européen. Nous avons toujours été d’accord avec la Triple Alliance sur la question orientale. Rien ne permet de croire qu’elle ne coopérera pas volontiers au même but. » Et un peu plus loin, lord Salisbury s’exprime comme il suit : « Sans doute, il y a des divergences d’opinion sur les moyens à employer. Je ne vois pas de difficultés à prêter notre appui à toute proposition qui tendrait à employer la force, proposition à laquelle les cinq autres puissances peuvent participer. Je ne sais pas si elles voudront y participer. C’est seulement par l’intermédiaire du sultan, et par lui seul, je le disais l’année dernière, que nous pouvons espérer de donner un bon gouvernement aux chrétiens et aux musulmans de l’empire turc. »

Lorsque M. Hanotaux a lu à son tour les paroles prononcées par le